Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/307

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De moment en moment les coups redoubloient avec tant de furie, qu’on eût dit que les fondemens du Monde alloient s’écrouler ; et malgré tout cela le ciel ne parut jamais plus serein. Comme je me vis au bout de mes raisons, enfin le désir de connoître la cause d’un événement si extraordinaire m’invita de marcher vers le lieu d’où le bruit sembloit s’épandre.

Je cheminai environ l’espace de quatre cents stades (222), à la fin desquels j’aperçus au milieu d’une fort grande campagne comme deux boules qui, après avoir en bruissant tourné longtemps à l’entour l’une de l’autre, s’approchoient et puis se reculoient : Et j’observai que, quand le heurt se faisoit, c’étoit alors qu’on entendoit ces grands coups ; mais à force de marcher plus avant, je reconnus que ce qui de loin m’avoit paru deux boules, étoit deux animaux ; l’un desquels, quoique rond par en bas, formoit un triangle par le milieu ; et sa tête fort élevée, avec sa rousse chevelure qui flottoit contremont, s’aiguisoit en pyramide. Son corps étoit troué comme un crible, et à travers ces pertuis déliés qui lui servoient de pores, on apercevoit glisser de petites flammes qui sembloient le couvrir d’un plumage de feu.

En cheminant là autour, je rencontrai un Vieillard fort vénérable qui regardoit ce fameux combat avec autant de curiosité que moi. Il me fit signe de m’approcher : j’obéis, et nous nous assîmes l’un auprès de l’autre.

J’avois dessein de lui demander le motif qui l’avoit amené en cette contrée, mais il me ferma la bouche par ces paroles : « Hé bien, vous le saurez, le motif qui m’amène en cette contrée ! » Et là-dessus il me raconta fort au long toutes les particularités de son voyage. Je vous laisse à penser si je demeurai interdit. Cependant, pour accroître nia consternation, comme déjà je brûlois de lui demander quel Démon lui révéloit mes pensées : « Non, non,