Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/316

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

« Or ces âmes de Philosophes sont tellement à l’égard des autres âmes, ce que l’or, les diamans et les Astres sont à l’égard des autres corps, qu’Épicure dans le Soleil est le même Épicure qui vivoit jadis sur la terre. »

Le plaisir que je recevois en écoutant ce grand homme, m’accourcissoit le chemin et j’entamois souvent tout exprès des matières savantes et curieuses, sur lesquelles je sollicitois sa pensée, afin de m’instruire. Et certes je n’ai jamais vu de bonté si grande que la sienne ; car quoiqu’il pût, à cause de l’agilité de sa substance, arriver tout seul en fort peu de journées au royaume des Philosophes, il aima mieux s’ennuyer longtemps avec moi que de m’abandonner parmi ces vastes solitudes.

Cependant il étoit pressé ; car je me souviens que m’étant avisé de lui demander pourquoi il s’en retournoit avant d’avoir reconnu toutes les régions de ce grand Monde, il me répondit que l’impatience de voir un de ses amis, lequel étoit nouvellement arrivé (233), l’obligeoit à rompre son voyage. Je reconnus par la suite de son discours, que cet ami étoit ce fameux Philosophe de notre temps, Monsieur Descartes, et qu’il ne se hâtoit que pour le joindre.

Il me répondit encore sur ce que je lui demandai en quelle estime il avoit sa Physique, qu’on ne la devoit lire qu’avec le même respect qu’on écoute prononcer des oracles. « Ce n’est pas, ajouta-t-il, que la science des choses naturelles n’ait besoin, comme les autres sciences, de préoccuper notre jugement, d’axiomes qu’elle ne prouve point ; mais les principes de la sienne sont simples et si naturels qu’étant supposés, il n’y en a aucune qui satisfasse plus nécessairement à toutes les apparences »

Je ne pus en cet endroit m’empêcher de l’interrompre : « Mais, lui dis-je, il me semble que ce Philosophe a