Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/328

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des régions opaques du Soleil pour rentrer dans les lumineuses ; car le Lecteur saura que toutes les contrées n’en sont pas diaphanes ; il y en a qui sont obscures, comme celles de notre Monde, et qui sans la lumière d’un Soleil qu’on aperçoit de là, seroient couvertes de ténèbres. Or à mesure qu’on entre dans les opaques, on le devient insensiblement ; et de même lorsqu’on approche des transparentes, on se sent dépouiller de cette noire obscurité par la vigoureuse irradiation du climat.

Je me souviens qu’à propos de cette envie dont je brûlois, je demandai à Campanella si la Province des Philosophes étoit brillante ou ténébreuse : « Elle est plus ténébreuse que brillante, me répondit-il ; car comme nous sympathisons encore beaucoup avec la Terre notre pays natal, qui est opaque de sa nature, nous n’avons pas pu nous accommoder dans les régions de ce globe les plus éclairées. Nous pouvons toutefois par une vigoureuse contention de la volonté, nous rendre diaphanes lorsqu’il nous en prend envie ; et même la plus grande part des Philosophes ne parlent pas avec la langue ; mais quand ils veulent communiquer leur pensée, ils se purgent par les élans de leur fantaisie d’une sombre vapeur, sous laquelle ordinairement ils tiennent leurs conceptions à couvert ; et sitôt qu’ils ont fait redescendre en son siège cette obscurité de rate qui les noircissoit, comme leur corps est alors diaphane, on aperçoit à travers leur cerveau, ce dont ils se souviennent, ce qu’ils imaginent, ce qu’ils jugent : et dans leur foie et leur cœur, ce qu’ils désirent et ce qu’ils résolvent (247) ; car quoique ces petits portraits soient plus imperceptibles qu’aucune chose que nous puissions figurer, nous avons en ce Monde-ci les yeux assez clairs pour distinguer facilement jusqu’aux moindres idées.

« Ainsi, quand quelqu’un de nous veut découvrir à