Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/357

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sèment ni ne moissonnent. Malheur sur eux, s’écrie un autre de la même troupe de Jésus-Christ, pour ce qu’ils ont marché sur les traces de Caïn, et certes ils n’ont pas moins fait que lui, puisqu’ils ont massacré leurs frères. Pour ne point troubler le repos ou les occupations de votre Majesté, Madame, nous ne nous arrêterons point ici à lui faire un fidèle et triste tableau de nos souffrances et de nos misères ; nous la supplierons seulement de considérer qu’il est en son pouvoir d’empêcher que la France ne s’arme contre elle-même ; que des Provinces entières ne se soulèvent pour en perdre d’autres, et que le Royaume ne devienne un Théâtre de meurtres et de sacrilèges. Les fleuves les plus profonds, les plus rapides et les plus larges ne sont ordinairement dans leurs sources que les distillations d’un rocher ou quelques petits bouillons d’eau qui peut à peine murmurer dans sa sortie ; cependant ces distillations de rochers et ces petites gouttes d’eau s’enflent et s’étendent dans leur cours et font ces débordemens et ces inondations horribles qui désolent la campagne, et qui renversent tout ce qui leur fait de la résistance. Il en est de même de cette guerre qui n’est rien en apparence, mais qui ne peut manquer d’être cruelle dans la suite, et qui nous fait craindre avec raison qu’un embrasement épouvantable ne soit causé par ses étincelles. La Conférence de Ruel est un obstacle à tous ces désordres, pourvu qu’il plaise à votre Majesté d’en rendre le succès heureux, d’en faciliter une exécution glorieuse et prompte, de rétablir dans nos villes le commerce et l’ordre, et d’écouter la voix et les cris de tant de peuples qui n’auroient plus rien à perdre si on leur avoit ôté jusques à la liberté de se plaindre. Nous espérons tous de votre bonté, Madame, et nous la supplions très-humblement de songer qu’on allume un feu que les mauvais Ministres ne veulent éteindre qu’avec