Page:Cyrano de Bergerac - L autre monde ou Les états et empires de la lune et du soleil, nouv éd, 1932.djvu/364

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nos Fleurs de Lis ; et malgré tant de motifs spécieux, un misérable petit Mercier, en roulant ses rubans, ne trouve pas à propos que Monsieur le Cardinal fasse bâtir à ses dépens une maison.

La canaille murmure encore, et crie qu’il n’a aucun lieu de retraite, si la France l’abandonnoit. Hé ! quoi donc, Messieurs les aveugles, à cause que pour vous protéger et conserver, il s’est fait des ennemis par toute la terre, c’est un homme détestable et abominable, et vous le jugez indigne de pardon ? Sa faute en effet n’est pas pardonnable, d’avoir si fidèlement servi des ingrats ; et Dieu qui le vouloit donner eh exemple à ceux qui s’exposent pour le peuple, a permis que s’étant comporté aussi généreusement que Phocion, Périclès et Socrate, il ait rencontré d’aussi méchants Citoyens, que ceux qui condamnèrent jadis ces grands hommes.

On le blâme ensuite de ce qu’il a refusé la paix, et ma Blanchisseuse m’a juré que l’Espagne l’offroit à des conditions très utiles et très honorables pour ce Royaume. J’exhorte les Sages, qui ne doivent pas juger sur des apparences, de se ressouvenir que le temps auquel nos Plénipotentiaires ont refusé de la conclure, est lors que commencèrent les plus violents accès de la révolte de Naples, et que la fortune sembloit alors nous offrir la restitution d’un État qui nous appartient (307). Il eût été contre toutes les règles de la prudence humaine d’en négliger la conquête qui nous étoit comme assurée ; outre que le Roi Catholique ayant toujours insisté que nous abandonnassions les intérêts du Roi du Portugal, il ne nous étoit pas licite (à moins de passer pour la plus perfide des Nations) de signer la Paix, sans qu’il fût compris dans le traité, puisqu’il n’avoit hasardé que sur notre parole de remettre la Couronne sur la tête de sa race.