Page:Cyvoct - Souvenirs de madame Recamier.djvu/14

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avait à plusieurs reprises commencé ce travail.

Diverses causes l’ont empêchée de l’accomplir : avant tout, une singulière défiance de ses propres forces, défiance certaine, quoiqu’inexplicable dans une femme habituée aux plus éclatants succès personnels. C’était un des traits saillants de son caractère : courageuse dans toutes les circonstances graves, assurée, par mille preuves, de son empire sur les cœurs et les esprits, elle avait posé elle-même, avec une exagération évidente, les limites de sa puissance. Ce découragement mal justifié, mais permanent, s’étendait jusqu’à sa beauté elle-même, le plus éclatant de ses attributs. Sous l’influence de quelques-unes des idées qui dominaient dans sa jeunesse, elle se croyait en dehors de la régularité grecque ; elle considérait ses traits comme impropres à la sculpture, et cette conviction fut la vraie cause du chagrin qu’elle fit éprouver à Canova, lorsqu’elle se montra peu satisfaite de ce que cet artiste avait modelé son buste de souvenir.

Dans l’ordre des choses de l’esprit, elle se