Page:D'Hérisson - La Légende de Metz, 1888.djvu/8

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Je me suis trouvé en présence d’un vieillard de près de quatre-vingts ans, cassé, affaibli, impotent, au point de ne pouvoir plus jouer aucun rôle dans les affaires de ce monde, vivant dans une pauvreté voisine de la misère, dépouillé du prix de quarante années de services et de campagnes, qui toutes furent glorieuses, sauf la dernière, où l’Empereur lui imposa l’héritage d’une situation absolument désespérée.

J’ai pensé que c’était un devoir patriotique de ne pas laisser peser sur une seule tête le poids de toutes les fautes qui ont pu être commises et d’établir le bilan exact des responsabilités, quels que puissent être ceux qui se trouveront atteints. Je laisse le lecteur apprécier les documents que j’ai réunis et que je mets sous ses yeux.

Quant à ma sincérité, si elle avait besoin d’être établie autrement que par mon profond souci du bien de la Patrie, elle le serait amplement, dans la circonstance, par ce fait qu’il n’y a qu’une chose dont on ne puisse accuser le maréchal Bazaine, — le pauvre homme ! — c’est de m’avoir acheté.



NOTES DE LA PRÉFACE

1. Les Allemands passent volontiers sous silence dans leurs ouvrages la bataille de Kunersdorf, trop peu connue aussi chez nous. C’est le 13 aoùt 1759 que le roi de Prusse attaqua à Kunersdorf le général russe Soltikof qui avait opéré sa jonction avec le général autrichien Laudon. La journée se termina par la déroute complète de l’armée du grand Frédéric. Elle eut plus de 20 000 tués ou blessés, le nombre des prisonniers fut innombrable. Soltikof envoya à Saint-Pétersbourg 26 drapeaux et étendards. Ce désastre fut si grave qu’il aurait eu pour conséquence l’annexion de la Prusse orientale à la Pologne, et l’abaissement définitif du grand Frédéric, si l’impératrice Élisabeth n’était morte à temps pour permettre à Catherine II de le sauver.