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puscule.

Peut-être parce que le flirt faisait place à de généreux sentiments dans le cœur de la jeune fille, la conversation languit tout à coup entre les deux promeneurs.

Pour la première fois, Marguerite Nadeau était elle-même, dans ses paroles, dans ses actions.

Ce soir-là, en rentrant chez lui, l’ingénieur avait presque raison de croire que la caissière de la maison Morand et Cie était sur le point de partager son amour. De constater ce favorable revirement chez la femme qu’il adorait, Raoul Thérien exultait. Comme tous les amoureux, il faisait des projets, désirait retourner à Montréal avec l’objet de ses pensées.

Or son côté, Marguerite Nadeau commençait à douter de ses qualités d’ensorceleuse à froid, car elle éprouvait des émotions qui lui étaient inconnues. La venue quotidienne de Raoul ne la laissait plus indifférente. Elle ne voyait plus en lui un pantin agréable à exhiber un polichinelle qu’on fait danser à volonté. Les propos sincères, enthousiastes, passionnés, que l’ingénieur lui avait tenus récemment, la rendaient perplexe. Tant d’honnêteté de la part de son amoureux la touchait. En somme, se disait-elle, il avait peut-être raison, et elle s’accusait de méchanceté à son égard.

Une chose, entre autres, la troublait, lui laissait croire qu’elle commençait à aimer le jeune homme. Sinon, comment pouvait-elle expliquer la jalousie qu’elle avait ressentie, lorsque