n’aurait pas agi plus promptement d’un coup de baguette. Bien avant le commandement, chacun était à son poste, prêt à monter dans les haubans ou à larguer les drisses. On n’attendait pas qu’il donnât l’ordre mais qu’il permît d’exécuter la manœuvre. Et pas la moindre confusion, pas un nœud d’oublié, rien qui ne fût rigoureusement achevé. C’était de l’enthousiasme et de l’harmonie. Voulez-vous savoir le secret magique de cet officier et de quelle manière il s’y prenait pour opérer ce miracle : il ne jurait pas, il ne tempêtait pas, il ne commandait pas, en un mot, il laissait faire. Et c’était à qui ferait le mieux. Ainsi sont les hommes : sous la garcette de l’autorité, le matelot n’agit que comme une brute ; il va bêtement et lourdement où on le pousse. Laissé à son initiative anarchique, il agit en homme, il manœuvre des mains et de l’intelligence. Le fait que je cite avait lieu à bord de la frégate le Calypso dans les mers d’Orient. L’officier en question ne séjourna que deux mois à bord, commandant et officiers étaient jaloux de lui.
Or donc l’absence d’ordres, voilà l’ordre véritable. La loi et le glaive, ce n’est que l’ordre des bandits, le code du vol et du meurtre qui préside au partage du butin, au massacre des victimes. C’est sur ce sanglant pivot que tourne le monde civilisé. L’anarchie en est l’antipode,