vain. Il faudra que l’oligarchique Civilisation cède le terrain à la marche ascendante de l’Anarchie Sociale. L’Europe conquise et librement organisée, il faudra que l’Amérique se socialise à son tour. La république de l’Union, cette pépinière d’épiciers qui s’octroie bénévolement le surnom de république modèle et dont toute la grandeur consiste dans l’étendue du territoire ; ce cloaque où se vautrent et croassent toutes les crapuleries du mercantilisme, flibusteries de commerce et pirateries de chair humaine ; ce repaire de toutes les hideuses et féroces bêtes que l’Europe révolutionnaire aura rejetées de son sein, dernier rempart de la civilisation bourgeoise, mais où, aussi, des colonies d’Allemands, de révolutionnaires de toutes nations, établies à l’intérieur, auront piqué en terre les jalons du Progrès, posé les premières assises des réformes sociales ; ce colosse informe, cette république au cœur de minerai, au front de glace, au cou goitreux, statue du crétinisme dont les pieds posent sur une balle de coton et dont les mains sont armées d’un fouet et d’une Bible ; harpie qui porte suspendus aux lèvres un couteau et un revolver ; voleuse comme une pie, meurtrière comme un tigre ; vampire aux soifs bestiales et à qui il faut toujours des l’or ou du sang à sucer… la Babel américaine enfin, tremblera sur ses fondements.
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