de cette longue nuit. Une seule fois pendant ces dix-huit siècles de barbarie ou de civilisation, — comme on voudra les appeler, — une seule fois, le géant Humanité remua sous ses chaînes. Il aurait encore supporté la dîme et la taille, la corvée et la faim, le fouet et la potence, mais le viol de sa chair, l’odieux droit seigneurial pesait trop lourdement sur son cœur. Le titan serra convulsivement ses poings, grinça des dents, ouvrit la bouche, et une éruption de torches et de fourches, de pierres et de faulx ruissela sur les terres des seigneurs ; et des châteaux-forts s’écroulèrent et des châtelains bardés de crimes furent triturés sous les décombres. L’incendie que d’infimes vassaux avaient allumé, et qui illumina un instant la sombre période féodale, s’éteignit dans leur propre sang. La jacquerie, comme le christianisme, eut ses martyrs. La guerre des paysans de France, comme celle des ilotes de Rome, aboutit à la défaite. Les jacques, ces fils légitimes des christs et des spartacus, eurent le sort de leurs ancêtres. Il n’y eut bientôt plus de cette rébellion qu’un peu de cendre. L’affranchissement des communes fut tout ce qu’il en résulta. Seuls, les notables d’entre les manants en profitèrent. Mais l’étincelle couvait sous la cendre et devait produire plus tard un embrasement général : 89 et 93 vont flamboyer sur le monde.
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