même, d’être son propre mandataire ; si ce comité de salut public se fût composé des trente millions d’habitants qui peuplaient le territoire de la République, c’est-à-dire de tout ce qui dans ce nombre, hommes ou femmes, était en âge de penser et d’agir ; si la nécessité alors eût forcé chacun de chercher, dans son initiative ou dans l’initiative de ses proches, les mesures propres à sauvegarder son indépendance ; si l’on avait réfléchi plus mûrement et qu’on eût vu que le corps social comme le corps humain n’est pas l’esclave inerte de la pensée, mais bien plutôt une sorte d’alambic animé dont la libre fonction des organes produit la pensée ; que la pensée n’est que la quintessence de cette anarchie d’évolution dont l’unité est causée par les seules forces attractives ; enfin, si la bourgeoisie montagnarde avait eu des instincts moins monarchiques ; si elle avait voulu ne compter que comme une goutte avec les autres dans les artères du torrent révolutionnaire, au lieu de se poser comme une perle cristallisée sur son flot, comme un joyau autoritaire enchâssé dans son écume ; si elle avait voulu révolutionner le sein des masses au lieu de trôner sur elles et de prétendre à les gouverner : sans doute les armées françaises n’eussent pas éventré les nations à coup de canon, planté le drapeau tricolore sur toutes les capitales européennes, et
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