de l’École-Militaire, dans les écuries des casernes, dans les carrières d’Ivry, dans les fossés du Champ-de-Mars, dans tous les égouts de la capitale du monde civilisé, et là massacrés avec tous les raffinements de la cruauté ! Les coups de feu pleuvaient par tous les soupiraux, le plomb tombait en guise de pain dans ces cloaques où, parmi les râles des mourants, les éclats de rire de la folie, — l’on clapotait dans l’urine et dans le sang jusqu’à mi-jambe, asphyxié par le manque d’air et torturé par la soif et la faim. Les faubourgs furent traités comme, au moyen-âge, une place prise d’assaut. Les archers de la civilisation montèrent dans les maisons, descendirent dans les caves, fouillèrent tous les coins et recoins, passant au fil de la baïonnette tout ce qui leur paraissait suspect. Entre les barricades démantelées et à la place de chaque pavé on aurait pu mettre une tête de cadavre… Jamais, depuis que le monde est monde, on n’avait vu pareille tuerie. Et non seulement les gardes nationaux de la ville et de la province, les industriels et les boutiquiers, les bourgeois et leurs satellites commirent après le combat mille et une atrocités ; mais les femmes même, les femmes de magasin et de salon, se montrèrent encore plus acharnées que leurs maris à la sanglante curée. C’est elles qui, du haut des balcons, agitaient des écharpes ; elles qui jetaient des
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