Page:Délices royales, ou le Jeu des échecs 1864.djvu/66

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Voici maintenant les noms et la forme des pièces de ce jeu, d’après leur rang et leur importance.

Le Roi est le premier en dignité et en supériorité. En langue persane, il se nomme Shah, et de ce nom est tiré celui de ce jeu, comme preuve de sa supériorité et de son excellence.

Après le Roi vient la Reine[1], maîtresse du royaume ; on la nomme en langue persane Pherzan. Des auteurs disent que ce nom désigne plutôt le Vice-Roi, car les reines n’ont pas l’habitude d’aller à la

  1. Dans des vers latins du XIIe siècle, la reine est nommée Fercia. Les vieux poëtes français, comme l’auteur du roman de la Rose et le traducteur du poëme de la Vieille, nomment cette pièce Fierce, Fierche et Fierge. Ces mêmes termes se trouvent employés dans plusieurs manuscrits du jeu des Échecs, qui sont à la Bibliothèque de Paris. Le roman de la Rose s’exprime ainsi : « Car on nhave pas les garçons (ne salue pas, ne dit pas échec aux garçons ou pions, etc., etc.), fols, chevaliers, fierges ni rois. » Le traducteur du poëme de la Vieille dit, en décrivant les Échecs : « En deux parts, voir sept pourrés roi, roc, chevalier et auphin, fierge et peon, etc., etc. » ; et il dit ailleurs : « Laroyne que nous nommons fierge tient de Vénus et n’est pas vierge, aimable est et amoureuse, etc., etc. » Ces mots de Fierge, Fierche et Fierce, ou Fiercia, sont des corruptions du latin Fœrcia, qui lui-même vient du persan Ferz ou Fierzin, qui est en Perse le nom de cette pièce, et signifie un ministre d’État, un vizir. Du nom de Fierge on a fait celui de vierge, virgo, et puis celui de Dame et de Reine. Le goût dans lequel on était de moraliser toutes sortes de sujets dans les