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Page:Démosthène - Œuvres complètes, Auger, 1819, tome 1.djvu/544

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CINQUIÈME PHILIPPIQUE.

Thespies et Platée, qu’il conserverait les Phocéens quand il les aurait soumis, ruinerait la ville des Thébains, vous ferait rendre Orope, et vous donnerait l’Eubée en dédommagement d’Amphiipolis ; on vous flattait d’espérances frivoles et chimériques, qui vous firent abandonner les Phocéens contre tout honneur et toute justice, contre vos propres intérêts(5) : pour moi, sans rien dissimuler, sans vous rien cacher de ce que je prévoyais, je vous annonçai nettement que j’ignorais toutes ces promesses du monarque, que je ne les croyais pas même, qu’enfin on vous amusait de vaines paroles.

Si, sur tous ces points, j’ai mieux vu que les autres, je n’en tirerai pas vanité, et ne l’attribuerai pas à une rare prudence. Deux causes ont pu me rendre plus éclairé et plus prévoyant. La première, c’est la faveur de la fortune(6), dont le pouvoir est supérieur à toute la sagesse humaine, à tous les efforts du génie. La seconde, c’est cette incorruptibilité avec laquelle je juge et je parle de tout. Non ; on ne pourrait montrer qu’un seul présent ait jamais influé sur mes discours et sur mes démarches dans l’administration. Ce qu’il y a dans les affaires d’avantageux pour l’État, s’offre donc aussitôt à moi. Mais si l’orateur qui pèse les intérêts publics a reçu quelque argent, cet argent agit sur son esprit comme un poids dans la balance ; il le précipite et l’entraîne, de sorte qu’il ne peut plus juger sainement des choses.

Au reste, voici mon avis dans la conjoncture