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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

Il n’en faudrait point davantage pour se convaincre que toute l’accusation d’Eschine est aussi contraire à la justice qu’à la vérité : je vais examiner néanmoins chaque article séparément, et surtout les mensonges qu’il a débités au sujet de l’ambassade faite en Macédoine, et de la paix conclue avec Philippe, en m’attribuant tout le mal qu’il a fait lui-même, conjointement avec Philocrate[1]. Il est convenable, Athéniens, et même nécessaire de vous rappeler l’état de la Grèce dans ces tems-là, pour vous présenter chaque événement dans son vrai point de vue.

Pendant la guerre de Phocide, qu’on ne m’imputera pas, sans doute, puisque je n’étais pas entré dans les affaires, quand elle s’alluma, vous. Athéniens, vous étiez disposés à désirer le salut des Phocéens, quoique coupables à vos yeux, en même tems que vous n’auriez pas été fâchés du mauvais succès des Thébains, quel qu’il pût être : et vous aviez d’autant plus sujet d’être animés contre ceux-ci, que la victoire de Leuctres[2] les avait rendus insolens. Tout le Péloponèse, d’ailleurs, était divisé : ceux qui haïssaient Lacédémone, n’étaient pas assez forts pour détruire sa puissance ; ceux que Lacédémone avait mis à la tête des villes, n’en étaient plus les maîtres ; ce n’était, chez ces peuples et chez tous les autres, que dissensions et que troubles interminables. Philippe, qui voyait ces désordres, et ils étaient assez visibles,

  1. Il est beaucoup parlé de ce Philocrate dans la harangue d’Eschine. Voyez pag. 55 et suiv. — Plus bas, pendant la guerre de Phocide.… La plupart des peuples de la Grèce, et sur-tout les Thébains, déclarèrent la guerre aux Phocéens, qui avaient profané, en les cultivant, des terres consacrées à Apollon. Cette guerre fut fort longue, et fut appelée la guerre de Phocide, ou la guerre sacrée.
  2. Leuctres, ville de Béotie, près de laquelle les Thébains, sous la conduite d’Épaminondas, remportèrent une victoire célèbre sur les Lacédémoniens. Cette victoire les rendit fort puissans dans la Grèce, et leur inspira beaucoup d’orgueil.