Page:Démosthène - Œuvres complètes, Auger, 1820, tome 5.djvu/426

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
416
HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

en a pas à présent, s’il n’y en avait pas alors, si on ne peut en indiquer un seul, même à l’instant où je parle, que devait faire un ministre ? Ne devait-il point, parmi tous les projets réels et possibles, choisir le plus utile ? Et c’est ce que j’ai fait, Eschine, quand le héraut criait : Qui veut conseiller le peuple ? non, Qui veut censurer le passé et garantir l’avenir ? Tranquillement assis, dans ces conjonctures critiques, vous gardiez le silence ; moi, je montais à la tribune, et j’y parlais. Mais puisque vous ne l’avez point fait alors, dites-nous, du moins à présent, montrez-nous quel avis convenable j’ai manqué d’ouvrir, quelle occasion favorable j’ai manqué de saisir, à quelle alliance, à quelle démarche j’aurais dû plutôt déterminer les Athéniens ? On abandonne le passé, on n’en fait point un sujet de délibération ; l’avenir seul ou le présent réclame les conseils d’un ministre. Alors donc il y avait des périls qui menaçaient la patrie, d’autres qui la pressaient déjà ; examinez ma conduite au milieu de ces périls, sans accuser l’événement. La divinité décide du succès des entreprises, la conduite du ministre annonce son habileté. Ne me faites donc pas un crime de ce que Philippe a eu l’avantage de la victoire, d’une victoire qui dépendait de la fortune et non de l’orateur. Mais que je n’aie pas suivi toutes les lumières de la prudence humaine ; que je ne me sois pas conduit, dans ces tems difficiles, avec toute la droiture et