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HARANGUE DE DÉMOSTHÈNE SUR LA COURONNE.

et d’un fameux Théocrine [102]. Vous louez les grands hommes nos prédécesseurs ! sans doute ils méritent des louanges. Doit-on cependant, Athéniens, abuser du respect dû à ces illustres morts, pour me comparer avec eux, moi qui vis au milieu de vous ? Qui ne sait, en effet, que, tant que nous vivons, nous sommes plus ou moins en butte à l’envie, et que la haine elle-même cesse de nous poursuivre après le trépas ? Dans cette disposition du cœur humain, est-ce à ceux qui vécurent avant moi, que je dois être comparé ? non, Eschine, il y aurait de l’injustice ; mais c’est à vous, ou à celui que vous voudrez de vos semblables, qui vivent encore. Considérez, outre cela, s’il est plus beau et plus utile pour la république, d’oublier et de mépriser les services présens, parce que ceux de nos ancêtres sont au-dessus de tout éloge, ou d’accorder son estime et sa bienveillance à quiconque sert encore la patrie avec zèle.

Mais enfin, qu’il me soit permis de le dire, si l’on examine de bonne foi ma conduite dans le ministère, on reconnaîtra que j’ai eu les mêmes principes, et que j’ai suivi la même route que ces grands hommes ; et que vous, Eschine, vous imitez leurs calomniateurs : car, dès ce tems-là, on ne manquait pas d’envieux, qui exaltaient les morts, pour décrier les vivans, par une basse jalousie, par un procédé tel que le vôtre.