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indigne par qui lui était venue la plus grande part de ses malheurs ! Telle fut la réalité, bien différente, on le voit, de la légende. Mais les contemporains immédiats n’écoutèrent ou ne voulurent écouter que cette légende. Le poète s’était plu à la répandre. La publication des Fleurs du mal vint encore l’affermir.

Les Fleurs du mal. Titre saisissant, mais inexact, et par là même déplorable. On ne lut ou ne voulut lire d’abord que les pièces touchées des marbrures de la décomposition ou léchées par les flammes de l’enfer : La charogne, Le voyage à Cythère, Les métamorphoses du vampire, Les femmes damnées, Les Litanies de Satan, etc… Et l’indignation alla jusqu’à l’attaque directe, l’attaque directe jusqu’à la poursuite et la condamnation judiciaire ! Qui aurait dit que, un demi-siècle plus tard, Baudelaire apparaîtrait comme une des consciences les plus inquiètes, comme un des cerveaux les plus tourmentés d’idéalisme du XIXe siècle français, le siècle des Lamartine et des Lamenais, des Vigny, des Laprade, des Chateaubriand ?

Pour la majorité de ses contemporains (car déjà les plus subtils, Gautier ou Sainte-Beuve, ne s’y étaient pas trompés), le nouveau venu ne frappa guère que par son étrangeté. Il ne séduisit même pas, malgré la prodigieuse mu-