Oui, livrons-nous, pour rajeunir,
Aux transports d’une gaîté folle ;
Et ne pouvant fixer le temps qui vole,
Tâchons de fixer le plaisir.
Si l’objet dont nous sommes épris
Devait toujours rester le même,
À nos yeux il perdrait de son prix.
Tout vieillit, c’est la loi suprême :
Et lorsque l’an, vers son déclin,
Loin de moi fuit à tire-d’aile,
Je vois bien moins ce qu’il ôte à ma belle
Que ce qu’il ajoute à mon vin.
Moquons-nous de la fuite du temps,
Et n’en regrettons que la perte ;
Que toujours de vingt mets différents
Notre table reste couverte…
Et chantons à tous nos repas :
« L’appétit naît de la folie ;
Or, les seuls jours perdus dans cette vie
Sont les jours où l’on ne rit pas. »
Aimons bien, buvons bien, mangeons bien,
Jusqu’à la fin de notre route ;
Et surtout, amis, ne gardons rien
Pour un lendemain dont on doute.
Alors l’avare nautonier,
Aux enfers prêt à nous descendre,
Prévoyant bien qu’il n’aurait rien à prendre,
Finira par nous oublier.
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Cette chanson parut en 1807.