Page:Désorgues - Les Jeux d’Elbequier, 1799.djvu/5

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Il y a dans cette Niliene plus de vérité qu’en exige un dithyrambe ; les détails que j’ai ajouté sont assez autorisés par l’exemple de Pindare. Nous, avons essayé parmi nous avec succès ces jeux qu’il embellit tant de fois de sa lyre. Nous avons vu des généraux célèbres consacrer par leur exemple la course des chars, et aucun poëte encore n’a osé chanter nos Ergotele et nos Psaumis ; et cependant quel sujet plus inspirant que cette vaste enceinte remplie des vainqueurs de l’Europe, environés d’une foule immense de spectateurs dont le regard avide se repose sur les objets de leur tendresse et de leur admiration : C’est dans cette assemblée solemnelle que se confondent les factions rivales, et que l’envie et l’esprit de parti se taisent devant la justice, cette conservatrice des états. C’est là que l’agilité, l’adresse et la force obtiennent des prix mérités, et qu’une voix unanime s’élève pour rendre un égal hommage au génie, et à la vertu.

C’est à la poésie lyrique qu’il appartient d’animer ce vaste spectacle et de l’embellir encore. C’est la voix de la nature, ce sont ses accords toujours nouveaux, toujours variés, qui répétés à la fois par des chœurs nombreux multiplient au loin le sentiment d’un peuple entier. Qui peut mieux que ce concert universel étouffer toutes les haines, et former cet accord touchant, présage de cette paix honorable, fruit de tant de victoires. Cet essai lyrique pourra sans doute encourager des muses plus faciles ; c’est à l’amitié que j’en dois l’idée, et en lui offrant ce juste hommage il est bien doux pour moi de consacrer la mémoire d’un vieillard à qui je fus uni par les nœuds les plus étroits, homme paisible et modeste qui élevé dans une société célèbre par son amour pour les sciences et par sa haine pour le despotisme pontifical, dût à ses vertus et à ses talens l’honneur d’être envoyé dans Alep pour y porter, avec les arts consolateurs cette bienfaisante philosophie que son exemple sur-tout fit chérir d’un peuple condamné trop long-tems au dogme de l’ignorance.