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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, I.djvu/277

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DE PHILOSOPHIE.

tibles d’un même sens, et qu’on appelle synonymes. On peut donner ce nom, ou à des mots qui ont absolument et rigoureusement le même sens, et qui peuvent en toute occasion être substitués indifféremment l’un à l’autre ; ou à des mots qui présentent la même idée avec de légères variétés qui la modifient, de manière qu’il ne soit permis d’employer l’un à la place de l’autre, que dans des occasions oii l’on n’aura pas besoin de faire sentir ces variétés. Ce serait peut-être un défaut dans une langue que d’avoir des synonymes de la première espèce ; mais c’en serait un beaucoup plus grand que de manquer de synonymes du second genre. Une telle langue serait nécessairement pauvre et sans aucune finesse. En effet, ce qui constitue deux ou plusieurs mots synonymes, c’est d’abord un sens général qui est commun à ces mots ; et ce qui fait ensuite que ces mots ne sont pas toujours synonymes, ce sont des nuances souvent délicates et quelquefois presque imperceptibles, qui modifient ce sens primitif et général ; ainsi toutes les fois que par la nature du sujet qu’on traite, on n’a point à exprimer ces nuances, et qu’on n’a besoin que du sens général, chacun des synonymes peut être indifféremment mis en usage ; par conséquent s’il y a une langue dans laquelle on ne puisse jamais employer indifféremment deux mots l’un pour l’autre, il faut en conclure que le sens de ces mots diffère non par des nuances fines, mais par des différences très-marquées et très-grossières ; les mots de la langue n’exprimeront donc plus ces nuances, et dès lors la langue sera pauvre et sans finesse.

Après avoir détaillé dans la grammaire philosophique ce qui regarde les mots, on passera à la proposition, qui n’est autre chose qu’un jugement énoncé. On en considérera les différentes parties et les différentes espèces, et l’on pourra donner en conséquence les principes généraux de la construction ; c’est-à-dire, les règles pour s’énoncer clairement dans quelque langue que ce puisse être. On examinera à cette occasion la question si souvent agitée, et qui peut-être est encore à résoudre, s’il y a dans certaines langues une inversion proprement dite, et en quoi cette inversion consiste. Il ne peut y avoir d’inversion proprement dite, que dans le cas où l’ordre des mots d’une proposition diffère de l’ordre des idées que ces mots expriment. La question de l’inversion consiste donc à savoir suivant quel ordre les idées renfermées dans une proposition se présentent à l’esprit de celui qui l’énonce. Or s’il est très-difficile, pour ne rien dire de plus, de fixer et de déterminer cet ordre, à cause de la rapidité avec laquelle nos idées se succèdent ; s’il est même plus que vraisemblable, comme on l’a déjà remarqué, que notre esprit a souvent