pourraient présenter à cet égard des difficultés peut-être insurmontables ; je mets principalentent de ce nombre certaines prépositions, comme à, de, et quelques autres, dont les acceptions sent si multipliées et si différentes, qu’il paraît presque impossible de les déduire toutes d’une même acception commune. En ce cas, le parti qu’il y aurait à prendre, serait de ne point s’opiniàtrer sur ces mots, de remarquer seulement parmi leurs différentes acceptions, celles dont on pourrait assigner la filiation et l’analogie, et de renoncer à chercher le rapport des autres en se contentant d’en indiquer la signification. Il s’en faut beaucoup que le caprice de l’usage ait autant présidé à la formation des langues que la multitude l’imagine ; mais il ne faut pas croire noii plus qu’il n’ait eu aucune influence sur cette formation. Le travail du philosophe est de démêler cette influence réelle de celle qui n’est qu’apparente, de faire disparaître celle-ci, et de marquer en même temps les traits qui restent de la première.
Tout discours est composé de mots ; chacun de ces mots exprime une idée ; l’ordre naturel des mots dans le discours est donc celui que les idées doivent avoir dans renonciation. Lorsque l’ordre des mots ne sera pas conforme à celui suivant lequel les idées doivent être énoncées, il y aura pour lors dans le discours ce qu’on appelle inversion, c’est-à-dire renversement.
Pour déterminer donc en quoi l’inversion consiste, et si elle se trouve ou non dans le discours, la question se réduit à celle-ci : quel est l’ordre suivant lequel les idées doivent être énoncées ?
D’abord il est évident que si on ne prend pas les idées une à une, mais plusieurs à la fois, et, pour ainsi dire, par masses séparées et distinctes, ces idées, ou plutôt ces inasses d’idées, doivent garder entre elles un ordre que l’esprit le plus commun aperçoit aisément : Dieu est souverainement parfait ; donc Dieu est bon ; tout le monde voit que la masse d’idées renfermée dans cette phrase, Dieu est bon, doit être placée après la masse d’idées renfermée dans la phrase. Dieu est souverainement parfait ; parce que la seconde de ces phrases exprime la conséquence de la première, et que dans renonciation, le principe doit être présenté avant la conséquence. De même quand on raconte des faits, ceux qui ont précédé doivent être énoncés avant ceux qui ont suivi, les faits généraux avant les exceptions, les faits qui doivent servir de preuve à un raisonnement, avant les raisonnemens qu’on doit établir sur ces faits, et ainsi du reste.