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SUR LE CALCUL

50 fois de suite. Donc la combinaison où l’on suppose que pile ou croix arrive 100 ou 50 fois de suite, est absolument à rejeter, quoique mathématiquement aussi possible que celles où croix et pile seront mêlés.

Autre réflexion ; car plus on pense à cette matière, plus elle en fournit. Il n’y a point de banquier de Pharaon qui ne s’enrichisse à ce métier-là ; pourquoi ? C’est que le banquier ayant de l’avantage à ce jeu, parce que le nombre des cas qui le font gagner est plus grand que le nombre des cas qui le font perdre, il arrive au bout d’un certain temps qu’il a plus de fois gagné que perdu. Donc au bout d’un certain temps il est arrivé plus de cas favorables au banquier que de cas défavorables. Donc puisqu’il y a, comme le calcul le prouve et comme on le suppose, plus de cas favorables au banquier que de cas défavorables, il est clair qu’au bout d’un certain temps, la suite des événemens a en effet amené plus souvent ce qui devait plus souvent arriver. Donc les combinaisons qui renferment plus de cas défavorables que de favorables, sont, au bout d’un certain temps, moins possibles physiquement que les autres, et peut-être même doivent être rejetées, quoique mathématiquement toutes les combinaisons soient également possibles. Donc, en général, plus le nombre des cas favorables est grand dans un jeu quelconque, plus au bout d’un certain temps le gain est sûr ; et on peut ajouter même que ce temps sera d’autant moins long que le nombre des cas favorables sera plus grand. Donc si Pierre et Paul sont supposés jouer à croix et pile durant un an, par exemple, celui qui pariera que pile ou croix n’arriveront pas consécutivement pendant toute l’année, pendant un mois même, sera, physiquement, c’est-à-dire, absolument sûr de gagner et de gagner beaucoup. Donc il faut rejeter toutes les combinaisons qui donneraient croix ou pile un trop grand nombre de fois de suite.

De là, et de ce que nous avons dit plus haut, il résulte encore une autre conséquence ; c’est que si on suppose le temps un peu long, les combinaisons de croix et de pile arriveront de manière qu’au bout de ce temps il y en aura à peu près autant des unes que des autres ; en sorte que si la pièce est marquée de 1 au côté de croix et de 2 au côté de pile, il arrivera au bout de 100 fois, ou davantage, que la somme des nombres qui seront venus sera à peu près égale à 50 fois 2 et 50 fois 1, c’est-à-dire à 150 ; nouvelle raison pour rejeter du nombre des combinaisons physiquement possibles, celles qui renferment le même cas un trop grand nombre de fois de suite.

Voici une autre question, qui est la suite de celle que nous venons d’agiter. Qu’un effet soit arrivé plusieurs fois de suite,