Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, II.djvu/175

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
165
DU PRÉSIDENT ROSE.

quer de respect à lui-même, réjyondit qu il châtierait V insolence de Vabbé Siri. Rose, dont le roi se sentait pour écrire ses lettres particulières y était en ce moment dans le cabinet de sa majesté^ il entendit ce qui se disait. Quand le ministre se fut retiré, il sup~ plia le roi de vouloir bien suspendre sa juste colère jusqu’au soir : il V a promptement à Chaillot ; il se met au fait ^ il rei’ient au coucher du roi, et lui ayant demandé un moment d’audience, Sire, lui dit-il, le fait est à peu près tel qu’on l’a rendu à votre majesté. Vous savez que mon ami Siri a une raëclij^te langue, et se met en colère aisément ; mais il devient fou et furieux lorsqu’il croit qu’on blesse la gloire de votre majesté. On s’est avisé, en jjrésence de tous les étrangers qui étaient chez lui, de louer M. de Louvois, comme si la campagne n’avait roulé que sur ce ministre. On l’a voulu faire admirer à tous ces étrangers, comme le plus grand homme de l’Europe. Alors la tête a tourné à mon pauvre ami, il a dit que M. de Louvois pouvait être un grand commis, et rien autre chose ; qu’il était aisé de réussir dans son métier, lorsqu’avec tout l’argent du royaume, on n’avait qu’à exécuter des projets aussi sagement formés, et des ordres aussi prudemment donnés que ceux de votre majesté Ah ! il est si âgé, dit le roi, quil ne faut pas lui faire de la peine. Notre courtisan philosophe (si ces deux mots peuvent aller ensemble) aimait à raconter cette histoire, que l’abbé d’Olivet termine en y appliquant l’exclamation de Perrin Dandin dans ]es Plaideurs :

Ce que c’est qu’à propos toucher la passion !

Nous dirons avec plus de gravité, et surtout de justice, qu’on doit pardonner ces petites faiblesses de l’amour-propre à tin prince que la flatterie attaquait, pour ainsi dire, de toutes parts, et qui est bien excusable de n’avoir pu s’en défendre. Que ceux qui voudraient le juger là-dessus, avec rigueur, se mettent un moment à sa place, et conviennent de bonne foi qu’ils n’auraient pas été moins faibles que lui. Bien convaincus de l’indulgence qu’il mérite sur ce sujet, nous nous permettons d’ajouter à l’anecdote précédente, ce que le président Rose y ajoutait en la racontant ; que de tous les éloges qui ne cessèrent pendant cinquante années de pleuvoir sur Louis XIV, aucun ne l’avait flatté davantage que celui qu’il reçut de madame Deshoulières, dans une ode sur la prise de Mons, oii célébrant cette conquête et M. de Louvois, elle disait en assez mauvais vers :

Utile et glorieux ouvrage

De ce ministre aclif, infatigable, sage,