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DE CLERMONT-TONNERRE.

tait chargé, a-t-oii dit encore, de prononcer le panégyrique de S. Jean de Dieu ( instituteur du plus respectable des ordres monastiques, parce qu’il est le plus utile, les Frères de la Charité) : mais il renonça bientôt à ce travail, ayant appris que l’homme vertueux qu’il devait louer avait été laquais dans sa jeunesse. Les plaisanteries dont l’évéque de Noyon a été l’objet sont si connues, qu’il nous a paru plus court et plus sage d’avouer ici les principales, en les réduisant à leur juste valeur, que de laisser à la malignité le soin de les aiguiser encore, ou que d’y donner nous-mêmes une sorte d’autorité, en affectant de les passer sous silence. Nous nous garderons pourtant bien de les rapporter toutes, non-seulement pour éviter l’ennui qui résulterait de cette enfilade d’épigrammes moiiotones, mais parce qu’il en est un très-grand noinbi^e qu’il a essuyées sans y avoir même fourni de prétexte. Il suilit à la nation française qu’un homme connu ait eu le malheur de prêter en quelque chose le flanc au ridicule, pour qu’on lui fasse présent de toutes les sottises dont cent autres ont pu se rendre coupables dans le même » genre ; c’est, pour ainsi dire, V Hercule inforluné sur lequel on réunit tous les traits de cette espèce, comme on a chargé l’Hercule de la fable des exploits de vingt autres Hercules. Notre académicien paraît avoir été plus que personne la victime de ce charitable usage. Cependant la malignité n’a pas toujours été adroite à son égard ; plusieurs des mots qu’on lui a prêtés avaient un sens ironique ^t réfléchi, dont ceux qui en étaient l’objet ne se doutaient guère ; ils croyaient, en redisant ces mots, se moquer de l’évéque de Noyon, et ne voyaient pas qu’il s’était moqué d’eux. Un prélat, son confrère, assurait, par exemple, lui avoir entendu dire, qiiil était devenu évéque, comme un moine, à force de prêcher. ^e se pourrait-il pas que ce prétendu trait de vanité fut plutôt un trait de satire contre l’oisive ignorance de plusieurs princes de l’Église, ses contemporains, dont l’élévation était plus l’ouvrage de leur naissance ou de leur intrigue, que de leurs talens ? Il en est de même d’un autre mot qui lui échappa au sortir d’une église, oii il avait entendu un sermon intéressant, prononcé par un aumônier du roi. Jei’iens, dit-il, d’entendre un gentilhomme qui prêche bien. N’était-ce pas un avis malin et charitable aux abbés de cour, de son temps, qui ne prêchaient pas, ou qui prêchaient mal.* Enfin, comme si l’évéque de Noyon eut été condamné à éprouver des injustices de tous les genres, on a eu quelquefois celle de lui attribuer des plaisanteries très —offensantes pour ceux qu’elles regardaient, peut-être même très-injustes, mais dont il était très-innocent, entre autres le trait sntirique d’un duc d’Elbœuf, qui parlait souvent à la cour de Louii XIV, dan