traire, la belle inscription faite par Voltaire pour la statue de l'Amour,
Qui que tu sois, voici ton maître ;
Il l’est, le fut, ou le doit être.
est bien préférable à une inscription latine qui aurait dit la même chose. En voici deux qui en sont la traduction littérale, sans aucun terme barbare ou impropre, et dont néanmoins la première est détestable, la seconde froide et sèche, et toutes deux sans harmonie et sans grâce :
Quisquis es, ecce tuus dominus ; fuit, aut erit, aut est ;
ou bien
Herum ecce, quisquis es, tuum ;
Fuit, vel est, vel mox erit.
On peut remarquer ici que l’article le, qui ferait languir l’inscription française, la Victoire les teindra, fait au contraire ici, par sa répétition, une des beautés de l’inscription française à l’Amour, et manque à l’inscription latine 5 tant il est vrai qu’on ne peut établir en cette matière presque aucune règle générale de goût et de stjle, et que les circonstances changent tout.
(5) Vigneul Marville, dans ses Mélanges de littérature, fait une liste lamentable des gens de lettres qui ont été malheureux. et Urbain VIII, dit-il, fonda à Rome un hôpital pour servir de rei traite à de pauvres gentilshommes sur la fin de leurs jours. Il serait à souhaiter qu’on en fît un pareil pour les gens de lettres qui mcu- rent de faim. Homère, pauvre et aveugle, allait par les carrefours et les places publiques, récitant ses vers pour avoir du pain. Plante gagnait sa vie à tourner la meule. Xilander, savant grec, vendait, pour un peu de soupe, ses notes sur Dion Cassius. Aide Manuce était sipauvre, qu’il se rendit insolvable pour avoir emprunté seu- lement de quoi transporter sa biWiothèque de Venise à Rome, où il était appelé. Jean Bodin, Lelio Gregorio Giraldi, Louis Castel-M vetro, l’archevêque Usserius, sont moits pauvres. Agrippa mourut à l’hôpital ; et on dit que Michel Cervantes est mort de faim. Le Tasse était réduit à une si grande indigence, qu’il fut contraint d’emprunter à un ami un écu pour subsister durant vine semaine, et de prier sa chatte, par un joli sonnet, de lui prêter, duiant la nuit, la lumière de ses yeux, n’en ayant point iVautre pour cvrire ses vers. Le cardinal Bentivoglio traîna dans la pauvreté une vieillesse languissante, vendit sou palais pour payer ses dettes, et mourut enfin, laissant à peine de quoi se faire inhumer. ]otrc savant hisi toriographe, André Duchesne, était obligé, pour vivre, d’écrire à la hâte de mauvais ouvrages, auxquels il se gardait bien de mettre son nom. Vaugelas, pour éviter la poursuilt ; de ses créaiuicis, se tenait caché dans un petit coin de Thôtcl de Soissons. Du Hy«r faisait ses traductions à la hâte, pour tirer de son libraijr de quoi