Aller au contenu

Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, II.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

226

ÉLOGE

ELOGE DE CHARLES PERRAUT

PIERRE PERRAULT son père, avocat au parlement, homme vertueux, qui aimait les lettres, et qui connaissait toute l'éten- due des devoirs sacrés d'un père, s'occupait beaucoup de l'édu- cation de ses enfants, dont Charles Perrault était le dernier. On le mit dès l'âge de huit ans au collège de Beauvais, où il brilla dans ses classes. Il aimait passionnément les vers, et en faisait quelquefois de si bons, au moins pour son régent, que ce maître lui demandait, avec un air de connaisseur, qui les lui avait don- nés. Le versificateur novice était destiné à trouver un jour dans Despréaux un Aristarque plus sévère. Il prouva (et cet exemple n'est pas rare, surtout parmi les poëtes) que si la passion pour un art indique souvent des dispositions à s'y distinguer, elle n'en est pas toujours l'annonce infaillible; que l'esprit peut se tromper, ainsi que les sens, en prenant une faim imaginaire et factice pour un besoin réel de la nature; et que s'il est quelque- fois , comme le prétend Helvétius dans son livre de l'Esprit, des méprises de sentiment et de tendresse, il en est aussi de talent et de génie.

La philosophie, même purement contentieuse, eut encore plus d'attrait pour Charles Perrault que l'étude des belles-lettres; il aimait tant à disputer, que les jours de congé, si chers à la jeunesse des collèges, lui paraissaient des jours morts : cette philosophie, qu'il chérissait, en était pourtant bien indigne; ce n'était encore que la détestable scolastique , qui a régné si long-temps à la honte de la raison, et qui, de nos jours même, ne lui a pas entièrement cédé le terrain , malgré le mépris où sont tombées les sottises dont elle se nourrit. Mais cette scolastique fournissait une sorte de pâture à l'esprit du jeune écolier, avide de s'exercer, même sur des chimères, et plus fait pour les choses de raisonnement que pour celles de goût.
Une querelle qu'il eut avec son régent le força de quitter le collège, mais ne le fit pas renoncer à ses études ; elles n'en devinrent au contraire que plus sérieuses et plus solides. Il s'associa avec un de ses amis à peu près du même âge; ils lisaient ensemble les bons auteurs, en lisaient des extraits , et quelque-

I IVt; h Paris le i janvier 1628; reçu h la place de Jean de Mouli§ny, éyC-^HG de Lcon, le 3 novembre ,(^71 : '.uo;t le 16 mai 1703,