degré d’accroissement et d’éclat. L’Empire des Assyriens, celui des Perses, l’Empire romain même, ont disparu, précisément parce qu’ils étaient devenus trop vastes et trop puissants. Ces exemples doivent consoler les Jésuites, s’il est possible que l’orgueil jésuitique se console.
On ne peut mieux comparer cette société, partout entourée d’ennemis, et partout triomphante l’espace de deux siècles, qu’aux marais de la Hollande, cultivés par un travail opiniâtre, assiégés par la mer qui menace à chaque instant de les engloutir, et sans cesse opposant leurs digues à cet élément destructeur. Qu’on perce la digue en un seul endroit, la Hollande sera submergée après tant de siècles de travaux et de vigilance. C’est aussi ce qui est arrivé à la société ; ses ennemis ont enfin trouvé l’endroit faible, et percé la digue ; mais ceux qui l’avaient construite avec tant de soins et de patience, ceux qui ont ensuite veillé si long-temps à sa conservation, ceux qui ont cultivé avec tant de succès le terrain que protégeait cette digue, n’en méritent pas moins d’éloges.
À peine la compagnie de Jésus, car c’est le nom qu’elle avait pris, commença-t-elle à se montrer en France, qu’elle essuya des difficultés sans nombre pour s’y établir. Les universités surtout firent les plus grands efforts pour écarter ces nouveaux venus ; il est difficile de décider, si cette opposition fait l’éloge ou la condamnation des Jésuites qui l’éprouvèrent. Ils s’annonçaient pour enseigner gratuitement ; ils comptaient déjà parmi eux des hommes savants et célèbres, supérieurs peut-être à ceux dont les universités pouvaient se glorifier ; l’intérêt et la vanité pouvaient donc suffire à leurs adversaires, au moins dans ces premiers moments, pour chercher à les exclure. On se rappelle les contradictions semblables que les ordres mendiants essuyèrent de ces mêmes universités quand ils voulurent s’y introduire ; contradictions fondées à peu près sur les mêmes principes, et qui n’ont cessé que par l’état où sont tombés ces ordres, devenus incapables d’exciter l’envie.
D’un autre côté, il est très-vraisemblable que la société, fière de l’appui qu’elle trouvait parmi tant d’orages, fournissait des armes à ses adversaires en les bravant ; elle semblait s’annoncer dès lors avec cet esprit d’invasion qu’elle n’a que trop montré depuis, mais qu’elle a eu soin de couvrir dans tous les temps du masque de la religion et du zèle pour le salut des âmes. Ce désir de s’étendre et de dominer perçait déjà de toutes parts ; elle s’insinuait dans la confiance de plusieurs souverains ; elle cabalait chez quelques autres : elle se rendait redoutable aux évêques par la dépendance qu’elle affectait de la seule cour de