n’est nuisible qu’à lui-même et non aux autres ; l’homme de parti, le controversiste trouble la société par ses vaines disputes. Ce n’est pas ici le cas de la loi de Solon, par laquelle tous ceux qui ne prenaient point parti dans les séditions, étaient déclarés infâmes. Ce grand législateur était trop éclairé pour mettre de ce nombre les disputes de religion, si peu faites pour intéresser de vrais citoyens ; il eût plutôt attaché de l’honneur à les fuir et les mépriser.
Nos ténébreuses querelles théologiques ne bornent pas au dedans du royaume le tort et le mal qu’elles nous causent ; elles avilissent aux yeux de l’Europe notre nation déjà trop humiliée par ses malheurs ; elles font dire aux étrangers et jusqu’aux Italiens même, que les Français ne savent se passionner que pour des billets de confession, ou pour des bouffons, pour la bulle Unigenitus, ou pour l’opéra comique. Telle est l’idée très injuste qu’une poignée de fanatiques donne à toute l’Europe de la nation française, dans un temps néanmoins ou la partie vraiment estimable de cette nation est plus éclairée que jamais, plus occupée d’objets utiles, et plus pleine de mépris pour les sottises et pour les hommes qui la déshonorent.
Ce n’est pas seulement l’honneur de la France qui est intéressé à l’anéantissement de ces vaines disputes ; l’honneur de la religion l’est encore davantage, par les obstacles qu’elles opposent à la conversion des incrédules. Je suppose qu’un de ces hommes, qui ont eu le malheur de nos jours d’attaquer la religion dans leurs écrits, et contre lesquels les Jésuites et les jansénistes se sont également élevés, s’adresse en même temps aux deux plus intrépides théologiens de chaque parti, et leur tienne ce discours : Vous avez raison, messieurs, de crier au scandale contre moi, et mon intention est de le réparer. Dictez-moi donc de concert une profession de foi propre à cet objet, et qui me réconcilie d’abord avec Dieu, ensuite avec chacun de vous. Dès le premier article du Symbole, je crois en Dieu tout-puissant, il mettrait infailliblement aux prises ses deux catéchistes, en leur demandant, si Dieu est également tout-puissant sur les cœurs et sur les corps ? Sans doute, assurerait le janséniste ; non pas tout-à-fait, dirait le jésuite entre ses dents. Vous êtes un blasphémateur, s’écrierait le premier ; et vous, répliquerait le second, un destructeur de la liberté et du mérite des bonnes œuvres. S’adressant ensuite l’un et l’autre à leur prosélyte : Ah ! monsieur, lui diraient-ils, l’incrédulité vaut encore mieux que l’abominable théologie de mon adversaire ; gardez-vous de confier votre âme à de si mauvaises mains. Si un aveugle, dit l’Évangile, en conduit un autre, ils tomberont tous deux dans la fosse. Il faut con-