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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, III.djvu/18

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ARTICLE

moins soulager un moment tant d’hommes niecoutens de leur sort dans toutes les conditions ! puisse-t-elle leur apprendre que ceux dont ils seraient tente’s d’envier la fortune, partagent, au moins également avec eux, les tourmens et les pleurs auxquels tous les rangs et tous les âges sont indistinctement et impitoyablement dévoués par la nature !

Note générale pour sentir de supplément à l’article du cardinal Dubois.

Un homme de lettres très-connu nous a communiqué un mémoire curieux sur ce cardinal, en nous assurant qu’il le tenait de bonne main. Ce mémoire paraît avoir été écrit du temps même de ce ministre. Il contient quelques traits dignes d’éloge, et plusieurs autres qui ne sont pas aussi honorables à sa mémoire, mais que nous croyons devoir supprimer.

L’abbé Dubois était fils d’un médecin qui avait deux frères ; l’un était apothicaire dans la même ville (selon d’autres, il était fils de l’apothicaire), l’autre a été vicaire-général des camaldules. Il fit ses études à Brives, dans le collège des doctrinaires, jusqu’à sa rhétorique exclusivement.

On donna dans ce collège la représentation d’une pièce de théâtre, mêlée de danses. Le jeune écolier était acteur dans la pièce et dans le ballet ; un de ceux qui dansaient avec lui ayant manqué à la figure, l’abbé Dubois s’emporta jusqu’à lui donner quelques coups de pied en présence de toute l’assemblée, qui augura avantageusement de sa vivacité. On aurait pu tirer de cette action violente, une conclusion moins favorable pour l’avenir ; elle eût été confirmée par un autre acte de violence du jeune écolier. Dans une petite partie de chasse avec un de ses amis, âgé comme lui à peu près de dix à onze ans, ils prirent querelle ; ils avaient chacun un petit fusil ; l’abbé Dubois le coucha en joue, et sans l’extrême modération de son camarade, il serait arrivé malheur.

Il brilla dans toutes ses classes, et se portait de son propre mouvement au travail. On lui reprochait seulement ce penchant au mensonge, qui n’est que trop souvent le vice de la jeunesse, surtout dans les collèges. Un de ses maîtres disait de lui, peut-être avec un peu d’exagération : Quand il sortira une vérité de la bouche de ce petit abbé, je la ferai enchâsser comme une relique. Destiné par le sort aux grandes places, où l’on est souvent contraint à ne pas dire la vérité, les moralistes peu sévères excuseront peut-être l’abbé Dubois de s’y être exercé de bonne heure.

À l’âge de douze ans il vint à Paris. La maison de Pompadour,