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Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, III.djvu/37

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DE L’ABBÉ DE CHOISY.

calchi, et le besoin que le saint-siége avait d’un tel pontife. Le religieux monarque se rendit à ces remontrances, plus épiscopales que politiques, et laissa mettre la tiare sur la tête de son ennemi. L’abbé de Choisy, pour toute récompense de la lettre qui avait produit un si bon ou si mauvais effet, eut l’honneur stérile de baiser le premier les pieds du nouveau pape ; mais il se repentit bientôt, comme il n’hésita point à l’avouer, d’avoir été l’instrument faible ou efficace de cette élection. Avant même de quitter l’Italie, il fut témoin avec la douleur d’un chrétien et d’un Français, de la conduite peu mesurée du chef de l’Église, d’où il pensa résulter, au grand malheur de la religion, un schisme entre le saint-siége et le clergé de France. L’abbé de Choisy, se reprochant le succès de sa lettre, ajoutait que si l’imprudent Innocent XI s’était exposé à causer un tel scandale, ce n’était pas faute d’avoir reçu, au moment même de son exaltation, des conseils aussi sages qu’inutiles : notre académicien racontait avec plaisir que, dans l’instant où le pontife venait d’être porté sur l’autel, pour la cérémonie qu’on appelle assez improprement adoration du pape, le cardinal Grimaldi, qui était en possession de ne le point flatter, s’était approché de son nouveau maître, et avait osé lui dire, assez haut pour être entendu de ses voisins, mais assez bas pour ne pas paraître manquer de respect au chef de l’Église : Souvenez-vous que vous êtes ignorant et opiniâtre ; voilà la dernière vérité que vous entendrez, de moi ; je vais vous adorer.

À peine de retour en France, l’abbé de Choisy fut attaqué d’une dangereuse maladie, qui lui fit faire de terribles réflexions ; il crut voir, comme il le raconte lui-même, la Justice éternelle coupant le fil de ses jours, en lui demandant compte de sa vie. Cette frayeur salutaire, qui amène à sa suite la foi et le repentir, fit tout à coup de l’abbé de Choisy un chrétien persuadé ; les mystères les plus sublimes de la religion, c’est toujours lui qui parle, lui parurent clairs et sans nuages ; il ne désira de vivre que pour les croire, et pour faire pénitence. Un ecclésiastique de ses amis, qui ne l’avait point quitté pendant le danger où il était, avait fortifié par ses instructions la foi tremblante du malade ; il continua ces salutaires instructions au néophyte convalescent ; et le premier usage que l’abbé de Choisy fit de sa santé, fut de publier le résultat de leurs conversations, en quatre dialogues, sur l’immortalité de l’âme, sur l’existence de Dieu, sur le culte qu’on lui doit, et sur la Providence[1].

L’ouvrage eut beaucoup de succès, et fut lu avec plaisir par ceux même qu’il ne convertit pas ; il ne déplut guère qu’au fou-

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