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DE L’ABBÉ DE CHOISY.

se jeter à Paris dans le séminaire des Missions étrangères, où il nous assure qu’après une demi-heure d’oraison au pied des autels, il eut le bonheur d’oublier sa disgrâce.

Néanmoins, quelque bonne contenance qu’il s’efforçât d’opposer à l’infortune, il sentait trop pour son malheur que la faveur était le seul bien qui pût le rendre heureux, et que la religion ne faisait tout au plus que le consoler ; il était donc toujours secrètemeiît tenté de retourner à Versailles, et ne cherchait qu’un prétexte pour y reparaître avec décence. Ce fut pour remplir cette vue qu’il fit dans son séminaire une Vie de David et une traduction des Psaumes, qu’il avait dessein de présenter à Louis XIV ; il la présenta en effet, et il eut même la douce satisfaction d’être assez bien reçu. Il est vrai qu’il avait pris une très-sage précaution, celle de se faire introduire par le P. de La Chaise, qui jouissait alors du plus grand crédit, et dont la faveur était très-recherchée non-seulement par tous les dévots de la cour, ruais par ceux qui, comme l’abbé de Choisy, désiraient au moins de le paraître.

Cette heureuse démarche le fit si pleinement rentrer en grâce, que l’Académie Française, qui n’eût osé faire un choix peu agréable à son protecteur, l’élut au bout de quelques mois pour nn de ses membres. Son discours de réception fut très-goûté. L’éloge du cardinal de Richelieu, qu’il fit dans ce discours, suivant l’usage, eut surtout beaucoup de succès. Ce cardinal, si nous en croyons le P. Bouhours, n’a jamais été mieux loué, et le jésuite nous assure que du vivant de ce grand ministre, une telle louange n’aurait pas été perdue ; mais le grand ministre était mort : le monarque qui lui avait succédé ne payait de louanges que celles qu’il recevait ; et il fallut que l’abbé de Choisy, si applaudi par ses auditeurs et par le P. Bouhours, se contentât de cette fumée pour toute récompense.

Le nouvel académicien se rendit très-utile à la compagnie, en partageant avec assiduité et avec ardeur le travail dont elle était alors occupée. Il rédigea même par écrit une espèce de journal de ce qui se passait dans les assemblées, des questions grammaticales qu’on y discutait, et des décisions qui en résultaient[1] ; l’Académie ne jugea pas à propos de publier dans le temps ce petit journal, parce qu’il lui parut écrit avec trop peu de gravité. Cependant un grave académicien, mais apparemment moins grave encore que nos prédécesseurs[2], le mit au jour il y a environ vingt années, et long-temps après la mort de l’abbé de Choisy. La lecture de cet écrit, qui semble ne pro-

1. L’abbé d’Olivet, qui a imprimé ce journal de l’abbé de Choisy dans un recueil intitulé : Opuscules sur la Langue française. Paris, 1754.

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