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de table, quelque temps aux philosophes, qu’il se plaisait à faire disputer ; et plusieurs, malgré la tristesse de leurs discours et de leurs visages (121), aimaient à se montrer au milieu des plaisirs de la cour.

Assassinat de Pedanius Secundus.

Peu de temps après, un esclave de Pedanius Secundus, gouverneur de Rome, l’assassina, parce qu’il ne pouvait en obtenir la liberté après être convenu du prix, ou qu’il trouvait en son maître le rival odieux d’une passion infâme. On allait envoyer au supplice, suivant l’usage, tous les esclaves qui habitaient la maison : le peuple prenant la défense de tant d’innocens, s’attroupa ; on craignit une sédition ; plusieurs sénateurs même se refusaient à cet excès de rigueur, mais le plus grand nombre était pour la loi. Parmi ces derniers, C. Cassius opina en cette sorte :

« Sénateurs, j’ai souvent vu proposer ici de nouvaux décrets, contre les lois et les coutumes anciennes ; je ne m’y suis point opposé, pour n’être pas taxé d’un attachement superstitieux à ces lois, bien persuadé néanmoins que nos pères ont en toutes choses mieux vu que nous, et qu’en s’écartant d’eux on fera plus mal. Je craignais aussi que trop de contradictions ne détruisissent le peu de crédit qui me reste, et je le réservais pour les affaires où l’État en aurait besoin. C’est ce qui arrive aujourd’hui. Un consulaire est assassiné par un de ses esclaves, sans avoir été ni averti ni défendu par aucun, quoique le décret du sénat, qui les menaçait tous de la mort, subsistât en son entier : faites-leur grâce ; quelle personne en place sera désormais en sûreté , puisque le gouverneur de Rome ne l’est pas ? qui se reposera sur le nombre de ses esclaves ? Pedanius a péri au milieu de quatre cents ; quel maître comptera sur leurs secours ? la crainte même ne les rend pas vigilans. L’assassin, ose-t-on dire, a vengé son injure ; tenait-il de ses pères l’argent qu’il avait promis, ou l’esclave qu’on lui enlevait ? En ce cas, prononçons que l’assassinat du maître était juste. »

« Pourquoi chercher des raisons, après la décision de nos sages ancêtres ? Mais si l’on veut en trouver, croira-t-on qu’un esclave qui veut assassiner son maître, ne laisse échapper aucune parole menaçante ou téméraire ? Il a, dira-t-on, caché son dessein et son poignard : mais comment, sans être vu, a-t-il pu percer les gardes, ouvrir la chambre, y porter de la lumière, enfin consommer l’assassinat ? mille indices décou-