Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, IV.djvu/156

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les jeux de Néron, dont l’amitié lui était à charge comme l’exil aux proscrits ; qu’Helvidius égalât par son courage et sa fermeté les Caton et les Brutus ; que pour lui il n’était qu’un membre de ce sénat, jadis esclave ; qu’il conseillait pourtant à Helvidius de ne pas parler trop haut et trop en maître à Vespasien, vieux, triomphant, et père de deux jeunes princes ; que les méchans empereurs aimaient le pouvoir arbitraire, et les meilleurs une liberté mesurée. »

Discours de Montanus au sénat pour accuser Régulus.

Curtius Montanus accusa Régulus d’avoir donné de l’argent pour assassiner Pison après Galba : « Néron, dit-il, n’a point exigé de vous cette barbarie pour vous laisser la vie ou vos dignités ; passons cette défense à ceux qui n’ont pu se sauver qu’en perdant les autres : un tyran mort n’avait rien à désirer ni à craindre de vous. Les méchans, même sans réussir, trouvent des imitateurs ; que sera-ce s’ils sont puissans et accrédites ? Croyez-vous, sénateurs, que Néron soit le dernier de vos maîtres ? Ceux qui avaient échappé à Tibère et à Caïus se flattaient de même ; leur successeur a été plus infâme et plus barbare. L’âge et la modération de Vespasien nous rassurent ; mais les exemples subsistent plus long-temps que les mœurs (168). La langueur nous a énervés ; nous ne sommes plus ce sénat qui, après s’être défait de Néron, condamnait ses ministres et les délateurs à la mort. Le meilleur jour, après la tyrannie (169), c’est le premier. »

Discours du général romain Vocula à ses soldats, qui voulaient se retirer en présence de l’ennemi.

Jamais, en vous parlant, je n’ai été plus inquiet sur votre sort, et plus tranquille sur le mien. J’apprends sans peine que vous me destinez la mort ; elle finira mes maux : mais je suis honteux et consterné pour vous, qui n’avez pas même ici un ennemi à combattre ; c’est un Classicus qui espère vous armer contre le peuple romain, et vous attacher, par un noble serment, à l’empire des Gaulois.

Si la fortune et le courage nous manquent à ce point, oublierons-nous aussi l’exemple de nos ancêtres ? Combien de fois les légions romaines ont-elles préféré la mort à l’abandon de leur poste ? Nos alliés mêmes, excités seulement par le zèle et par l’honneur, ont péri, eux, leurs femmes, leurs enfans, sous les ruines de leurs villes embrasées ; des légions romaines, inaccessibles à la terreur et aux promesses, soutiennent ailleurs, en ce