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Politique de Tibère.

La politique de Tibère était de laisser en place jusqu’à leur mort la plupart des gouverneurs, des généraux et des magistrats. On lui attribuait différens motifs, la crainte d’un embarras nouveau, qui lui faisait perpétuer ses premiers choix ; l’envie, pour écarter des honneurs plus de citoyens ; enfin une irrésolution égale à sa finesse. Car sans aimer le mérite supérieur, il haïssait le vice, redoutant pour lui les hommes vertueux, et les scélérats pour l’honneur de l’État (32). Il poussa enfin l’indécision jusqu’à faire rester dans Rome (33) des gouverneurs qu’il avait nommés.


SOULEVÈMENT DES PARTHES.

Sous le consulat de Statilius Taurus et de L. Libon, les royaumes et les provinces d’Orient se soulevèrent. Le trouble commença par les Parthes, qui ayant demandé et reçu de Rome un roi, le méprisaient comme étranger, quoique descendu des Arsacides. C’était Vononès, que Phrahate avait donné pour otage à Auguste. Car Phrahate, quoique vainqueur de nos généraux et de nos armées, prodiguait à Auguste ses hommages ; et pour preuve de son dévouement, lui avait envoyé une partie de sa famille, moins à la vérité par crainte des Romains, que par défiance de ses sujets.

Après la mort de Phrahate et des rois ses successeurs, les grands du royaume, pour y faire cesser les massacres, demandèrent pour roi à Rome, par des ambassadeurs, Vononès, l’aîné des enfans de Phrahate. Auguste se croyant honoré de cette demande, l’envoya comblé de présens. Les barbares le reçurent avec joie, comme un nouveau maître. Bientôt ils rougirent, et crurent avoir dégénéré en appelant de si loin un prince infecté des maximes de leurs ennemis, et en souffrant ou mettant eux-mêmes (34) le royaume des Arsacides au rang des provinces romaines : « A quoi bon, disaient-ils, la gloire d’avoir tué Crassus et chassé Antoine, s’ils avaient pour maître un esclave de Tibère, vieilli dans la servitude ? » Vononès les ulcérait encore, vivant tout autrement que ses ancêtres, chassant peu, négligeant le soin des chevaux, allant en litière dans les villes, ridicule par son luxe, par ses festins, par les Grecs qui l’entouraient et conservant précieusement ce que sa nation dédaignait :