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lévrier, le corps de Jésus-Christ peut se trouver à la fois dans les gauffres de Paris et dans celles de Goa.

Avouez que tous les matins ce pauvre corps-là ne sait à qui entendre, et qu’il doit avoir besoin de repos l’après-midi. Pauvre espèce humaine ! je serais tenté de dire à l’auteur :

C’est trop peu si c’est raillerie ;
C’en est trop si c’est tout de bon.

Adieu, mon très cher et très illustre maître. Comment vont les oreilles et les yeux ?


Paris, 26 octobre 1762.


Je crois, mon cher et illustre confrère, avoir fait encore mieux que vous ne me paraissez désirer. Vous me demandiez, il y a huit jours, copie de la lettre que vous m’avez écrite le 22 de mars, et je vous ai envoyé l’original même. Vous me priez aujourd’hui d’envoyer l’original à M. le duc de Choiseul ; vous êtes à portée de le lui faire parvenir, si vous le jugez à propos. Quant à moi, comme il ne m’est rien revenu de sa part sur cette ridicule et atroce imputation qu’on nous fait à tous deux, j’ai supposé qu’il en avait fait le cas qu’elle mérite ; je me suis tenu et me tiendrai tranquille, et j’ai trop bonne opinion, comme je vous l’ai déjà dit, de l’équité du gouvernement, pour croire qu’il ajoute foi si légèrement à de pareilles infamies. Il faudrait avoir aussi peu de lumières que de goût, et se connaître aussi mal en style qu’en hommes, pour vous croire capable d’écrire une aussi plate et aussi indigne lettre, et moi de la faire courir de quelque part que je l’eusse reçue, pour imaginer que vous donniez des éloges à un aussi mauvais poème que celui du Balai, que vous vous déchaîniez indignement contre la majesté royale dont vous n’avez jamais parlé ni écrit qu’avec le respect qui lui est dû, et que vous vouliez manquer grossièrement et bêtement à des ministres dont vous avez tout lieu de vous louer. Il vous est trop facile, mon cher et illustre maître, de confondre la calomnie, pour être aussi affecté que vous me le paraissez de l’impression qu’elle peut faire. Quant à moi, je fais comme Horace, je m’enveloppe de ma vertu ; je ne crains ni n’attends rien de personne ; ma conduite et mes écrits parlent pour moi à ceux qui voudront les écouter. Je défie la calomnie, et je la mets à pis faire.

Nous sommes fort heureux, vous et moi, que l’imbécile et impudent faussaire ait conservé quelques phrases de votre lettre du 29 de mars ; il vous a fourni les moyens, en produisant l’ori-