Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/134

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Cette tolérance n’est point encore tolérée, et je ne sais quand elle pourra parvenir à l’être. Il me semble qu’on n’en distribue point encore. Nous attendons le Corneille ; il est entre les mains d’un cuistre nommé Marin, qui doit décider si le public pourra le lire. Il faut rire de cela, ainsi que de tout le reste. Adieu, mon cher confrère.


Paris, 30 juin 1764.


Cette lettre, mon cher et illustre confrère, vous sera remise par M. Desmarets, homme de mérite et bon philosophe, qui désire de vous rendre hommage en allant en Italie où il se propose des observations d’histoire naturelle, qui pourraient bien donner le démenti à Moïse. Il n’en dira mot au maître du sacré palais ; mais si par hasard il s’aperçoit que le monde est plus ancien que ne le prétendent même les Septante, il ne vous en fera pas un secret. Je vous prie de le recevoir et de l’accueillir comme un savant plein de lumières, et qui est aussi digne qu’empressé de vous voir. Adieu, mon cher et illustre confrère ; je vous embrasse de tout mon cœur, et je voudrais bien partager avec M. Desmarets le plaisir qu’il aura de se trouver avec vous.


Paris, 9 juillet 1764.


Si vous aviez l’honneur, mon cher et illustre maître, d’être Simon Le Franc, je vous dirais comme défunt le Christ à défunt Simon Pierre, Simon, dormis ? Il y a un siècle que je n’ai entendu parler de vous. Je sais que vous êtes très occupé et même à une besogne très édifiante ; mais laissez là le Talmud un moment pour me dire que vous m’aimez toujours, et après cela je vous laisserai en liberté reprendre Moïse et Esdras au cul et aux chausses. Votre long silence m’a fait craindre un moment que vous ne fussiez mécontent de la liberté avec laquelle je vous ai dit mon avis sur le Corneille, comme vous me l’aviez demandé ; cependant, réflexions faites, cet avis ne peut vous blesser, puisqu’il se réduit à dire que vous n’avez pas fait assez de révérences, en donnant des croquignoles, et que vous auriez dû multiplier les croquignoles et les révérences. À propos de croquignoles, vous venez d’en donner une assez bien conditionnée à maître Aliboron et à l’honnête homme qui, comme vous le dites très plaisamment, lui fait sa litière. Il est vrai que vous l’aviez belle et qu’on ne peut pas présenter son nez de meilleur grâce. Cette croquignole était d’autant plus nécessaire, que maître Aliboron,