Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/173

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collège Mazarin, dont Ribaudier est principal ? Il faut que le neveu de l’abbé Bazin applique à ces deux drôles des soufflets qui les rendent ridicules à leurs écoliers même.

On dit que la censure de la Sorbonne va enfin paraître. Ce sera, sans doute, une pièce rare. En attendant, les trente-sept vérités opposées aux trente-sept impiétés les ont couverts de ridicule et d’opprobre. On dit qu’ils désavoueront, dans leur censure, les trente-sept propositions condamnées ; mais à qui en imposeront-ils ? Il est certain que cette liste a été imprimée chez Simon, et qu’elle était signée du syndic, qui, à la vérité, a essuyé sur ce sujet quelles mortifications en Sorbonne, quoiqu’il n’eût rien fait que de concert avec les députés commissaires de la sacrée faculté.

Voulez-vous bien remettre ce billet à M. de La Harpe ? Nous avons, pour l’éloge de Charles V, un concours nombreux ; mais le jugement ne sera pas aussi long que je le croyais d’abord. Comme je sais l’intérêt que vous y prenez, je ne manquerai pas de vous en mander le résultat, dès que le prix sera donné, ce qui ne tardera pas : nous avons une pièce excellente contre laquelle je doute que les autres puissent tenir. Ne trouvez-vous pas bien ridicule cette approbation que nous exigeons de deux docteurs en théologie ? J’ai fait l’impossible pour qu’on abolît ce plat usage ; croiriez-vous que j’ai été contredit sur ce point par des gens même qui auraient bien dû me seconder ? L’esprit de corps porte malheur aux meilleurs esprits. Si nous proposons l’année prochaine l’éloge de Molière, comme cela pourrait être, je suis persuadé que le public nous rira au nez, quand nous annoncerons devant lui qu’il faut que cet éloge soit approuvé par deux prêtres de paroisse.

Je ne sais quand Marmontel reviendra des eaux : on dit que la femme avec qui il y est allé, et qui comptait mourir en chemin pour éviter les prêtres, se porte beaucoup mieux, et reviendra peut-être se remettre en leurs saintes mains cet hiver.

Je ne sais ce qu’est devenu Jean-Jacques Rousseau, et je ne m’en inquiète guère ; on dit qu’il avoue ses torts avec M. Hume, ce qui me paraît bien fort pour lui ; on dit même qu’il a changé de nom, ce que j’ai bien de la peine à croire. Adieu, mon cher et illustre confrère ; j’embrasse de tout mon cœur tous les habitants de Ferney, à commencer par vous. Ne m’oubliez pas, je vous prie, quand vous pourrez envoyer quelque chose à Paris. Vale et me ama.