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ment, Larcher donc le pria de lire l’article qui les regardait, le trouva fort plaisant, écrit avec beaucoup de grâces et de sel, et lui dit qu’il se garderait bien de s’en plaindre.


Paris, 9 janvier 1773.


Je me hâte, mon cher maître, de vous tirer d’inquiétude au sujet du plaisant non magis. N’ayez pas peur que ces cuistres y changent rien ; ils prétendent même qu’il est beaucoup plus latin de dire non magis Deo quàm regibus, etc., que non minùs regibus quàm Deo, etc. : c’est-à-dire apparemment, selon cette canaille, que rien n’est plus latin que de dire tout le contraire de ce qu’on veut dire. Ils ont mieux fait ; ils ont signé eux-mêmes leur ineptie, en marquant bêtement la crainte qu’ils avaient qu’on ne les entendît à rebours. Cogé pecus a écrit lui-même de sa main au-dessous de la proposition latine, dans le programme imprimé, cette traduction : La prétendue philosophie de nos jours n’est pas moins ennemie du trône que de l’autel, et j’ai sous les yeux un de ces programmes. Voilà une cascade de sottises qui donnera beau jeu aux rieurs, et que je recommande à votre bonne humeur et à vos nuits blanches à force de rire. Tâchez pourtant, tout en riant, de dormir un peu.

J’ignore le nom du procureur et de l’avocat témoins des coups de bâton donnés au charmant Savatier : mais le fait est certain ; et Marin, de qui je l’ai appris, peut vous l’attester.

Au reste, la rapsodie de ce polisson n’est pas son ouvrage ; il n’est là que comme le bouc émissaire pour recevoir toutes les nasardes qu’on voudra lui donner. Cette infamie est l’ouvrage d’une société, et dans le sens le plus exact ; car je suis bien informé que les jésuites y ont la plus grande part.

À propos de ces marauds-là, qui, par parenthèse, vont être détruits malgré la belle défense que fait Ganganelli pour les conserver, vous ai-je dit ce que le roi de Prusse me mande dans une lettre de 8 décembre ? J’ai reçu un ambassadeur du général des ignatiens, qui me presse pour me déclarer ouvertement le protecteur de cet ordre. Je lui ai répondu que, lorsque Louis XV avait jugé à propos de supprimer le régiment de Fitz-James, je n’avais pas cru devoir intercéder pour ce corps, et que le pape était bien le maître de faire chez lui telle réforme qu’il jugeait à propos, sans que les hérétiques s’en mêlassent. J’ai donné copie de cet endroit de la lettre aux ministres de Naples et d’Espagne, qui partagent notre tendresse pour les jésuites, et qui ont envoyé cet extrait à leurs Cours respectives, comme