Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/227

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Il est inconcevable que vous n’ayez pas reçu l’Éloge de Racine ; il y a plus de quinze jours que l’auteur vous l’a envoyé par Marin. Samedi dernier, sur mes représentations, il en a fait partir un nouveau par la même voie ; j’espère que vous l’aurez enfin, et vous le trouverez tel qu’on vous l’a dit, très beau. Le chevalier de Châtelux n’a jamais entendu parler de ce curé de Fresnes ; mais il ira aux informations, et promptement, et vous en rendra compte lui-même, et sera charmé d’avoir ce prétexte pour vous écrire.

Savez-vous que l’archevêque de Paris n’a pas osé aller officier à cette belle fête du Triomphe de la Foi ? Il s’habillait, dit-on, pour y aller ; je ne sais qui est venu lui dire qu’il faisait une sottise, et il a envoyé dire qu’il ne viendrait pas, au curé de Saint-Roch, qui en tombera malade. C’est un petit abbé de Malide, évêque d’Avranches, qui a eu la platitude de le remplacer. Il a bien prouvé, ce jour-là, qu’il était tout évêque d’Avranches.

Adieu, mon cher ami, mes compliments très tendres à l’avocat Belleguier, et mes sincères embrassements à Raton. Tuus ex animo.

Bertrand.


Paris, 1er février 1773.


Jattends, mon cher maître, avec impatience, la diatribe de Raton-Belleguier, et je vous assure que Bertrand sent déjà de loin l’odeur des marrons, et qu’il a bien envie, non seulement de les croquer, mais de les faire croquer à tous les Bertrands et Ratons ses confrères.

Bertrand-Condorcet demeure rue de Louis-le-Grand, vis-à-vis la rue d’Antin. Vous pouvez compter sur son zèle. Vous recevrez, dans le courant du mois, un ouvrage de sa façon, qui, je crois, ne vous déplaira pas. Ce sont les Éloges des académiciens des sciences morts avant le commencement du siècle, et que Fontenelle avait laissés à faire. Vous y trouverez, si je ne me trompe, beaucoup de savoir, de philosophie et de goût. J’espère que, si notre Académie des sciences a le sens commun, elle le prendra pour secrétaire ; car il nous en faudra bientôt un autre.

Bertrand attend, avec impatience, la réponse de Catau ; mais il craint bien qu’elle ne soit plus polie que favorable. Il a peur que la philosophie ne soit dans le cas de dire des rois ce que le pêcheur de Zadig dit des poissons : Ils se moquent de moi comme les hommes, je ne prends rien. À tout événement, il vous infor-