Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/57

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J’ai vu aussi cette petite édition de la Pucelle ; on prétend qu’elle est de l’auteur du Testament politique d’Alberoni ; mais comme on sait que cet auteur est votre ennemi, il me paraît que cela ne fait pas grand effet. D’ailleurs les exemplaires en sont fort rares ici ; et cela mourra, selon toutes les apparences, en naissant. Je vous exhorte cependant là-dessus au désaveu le plus authentique, et je crois que le meilleur est de donner enfin vous-même une édition de la Pucelle, que vous puissiez avouer. Adieu, mon cher et illustre maître ; nous vous demandons toujours pour notre ouvrage vos secours et votre indulgence.

Mon collègue vous fait un million de compliments. Permettez que madame Denis trouve ici les assurances de mon respect. Vous recevrez au commencement de l’année prochaine l’Encyclopédie : quelques circonstances qui ont obligé à réimprimer une partie du troisième volume, sont cause que vous ne l’avez pas dès à présent. Iterum vale et nos ama.


Paris, 23 janvier 1757.


La Religion vengée, mon cher et illustre philosophe, est l’ouvrage des anciens maîtres de François Damiens, des précepteurs de Châtel et de Ravaillac, des confrères du martyr Guignard, du martyr Oldecorn, du martyr Campian, etc. Je ne connais comme vous cette rapsodie que par le titre ; elle ne fait ici aucune sensation, quoiqu’il en ait déjà paru plusieurs cahiers. Le jésuite Berthier, grand directeur du Journal de Trévoux, est à la tête de cette belle entreprise, qui tend à décrier, auprès du dauphin, les plus honnêtes gens et les plus éclairés de la nation. Ces gens-là sont le contraire d’Ajax ; ils ne cherchent que la nuit pour se battre ; mais laissons-les dire et faire ; la raison finira par avoir raison : malheureusement vous et moi nous n’y serons plus, quand ce bonheur arrivera au genre humain. Quelqu’un qui lit le Journal de Trévoux (car pour moi je rends justice à tous ces libelles périodiques en ne les lisant jamais) me dit hier que dans le dernier journal vous étiez nommément et indécemment attaqué : ce poète, dit-on, qui s’appelle l’ami des hommes, et qui est l’ennemi du Dieu que nous adorons. Voilà comme ils vous habillent, et voilà ce que M. de Malesherbes, le protecteur déclaré de toute la canaille littéraire, laisse imprimer avec approbation et privilège.

Le malheureux assassin Damiens n’a point encore parlé ; il persifle ses juges et ses gardes ; il demande la question, et je crois qu’il ne sollicitera pas longtemps. C’est un mystère d’ini-