Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/60

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Tronchin, qui m’écrit au nom de vos ministres, pour me porter leurs plaintes ; mais la manière dont ils se plaignent suffirait pour faire connaître la vérité de ce que j’ai dit, et l’embarras où ils sont. Ils prétendent que je les ai accusés de n’être pas chrétiens, et se taisent sur le reste. Ma réponse a été bien simple ; si M. Tronchin veut vous la communiquer, je me flatte que vous la trouverez raisonnable et mesurée. Je réponds donc à l’ambassadeur que je n’ai pas dit un mot, dans l’article Genève, qui puisse faire croire que les ministres de Genève ne sont pas chrétiens, que j’ai dit, au contraire, qu’ils respectaient Jésus-Christ et les Écritures ; ce qui suffit, selon leurs propres principes, pour être réputé chrétien : du reste, comme M. Tronchin ne m’a dit mot, ni sur le socinianisme, ni sur l’enfer, ni sur la divinité du Verbe, je ne lui réponds rien non plus sur tous ces objets, et je feins d’ignorer leurs cris. Comme je ne doute pas que ma réponse à M. Tronchin ne m’attire une seconde lettre, je ferai ce que vous me conseillez, et je leur répondrai que vous voulez bien vous charger de finir cette affaire. Je vous prie donc, en cas de nouvelles plaintes de leur part, de leur signifier, 1.o que je n’ai rien avancé dans l’article Genève que je n’aie recueilli de leurs conversations, et de l’opinion qui m’a paru générale à Genève, sur la manière actuelle de penser du clergé ; 2.o que ce n’est point par conséquent un secret que j’ai violé, puisque c’est une chose avouée de tout le monde, et que d’ailleurs ce n’est point tête à tête, mais en présence de témoins que j’ai eu des conversations avec eux ; 3.o que bien loin d’avoir eu dessein de les offenser par ce que j’ai dit, j’ai cru au contraire leur faire honneur, persuadé, comme je suis, que, de toutes les sociétés séparées de l’Église romaine, les sociniens sont les plus conséquents ; et que quand on ne reconnaîtra, comme font les protestants, ni tradition, ni autorité de l’Église, la religion chrétienne doit se réduire à l’adoration d’un seul Dieu, par la médiation de Jésus-Christ.

On m’assure que ces messieurs vont envoyer une députation à la cour de France pour m’obliger de me rétracter. Je ne sais si la cour leur fera l’honneur de les écouter, ni ce qu’elle exigera de moi ; mais je sais bien que je ne répondrai jamais autre chose que ce que vous venez de lire. Savez-vous, pour comble de sottise, que cet article Genève a pensé être dénoncé au parlement, à ce parlement plus intolérant et plus ridicule encore que le clergé qu’il persécute ? On prétend que je loue les ministres de Genève d’une manière injurieuse à l’Église catholique. Ce qui doit pourtant me rassurer, c’est que j’ai trouvé d’honnêtes prêtres de paroisse qui regardent ce même article