Page:D’Alembert - Œuvres complètes, éd. Belin, V.djvu/65

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semble au grand conseil qui se tint à Dresde le lendemain du jour que Charles XII y passa ; et je crois qu’elle aura la même issue.

Je reviens à l’Encyclopédie ; je doute fort que votre article Histoire puisse passer avec les nouveaux censeurs, et je vous renverrai cet article, quand vous voudrez, pour y faire les changements que vous avez en vue : mais rien ne presse ; je doute que le huitième volume se fasse jamais. Voyez donc la foule d’articles qu’il est impossible de faire : Hérésie, Hiérarchie, Indulgence, Infaillibilité, Immortalité, Immatériel, Hébreux, Hobbisme, Jésus-Christ, Jésuites, Inquisition, Jansénistes, Intolérance, etc., et tant d’autres. Encore une fois, il faut nous en tenir là. À vos moments perdus jetez les yeux, je vous prie, sur Figure de la terre, au sixième volume.


Paris, 8 février 1758.


Vous m’écrivez, mon cher et grand philosophe, de votre lit, où vous voyez dix lieues de lac, et moi je vous réponds de mon trou où je vois le ciel long de trois aunes. Ce trou suffirait pourtant à mon bonheur, si la persécution ne venait pas m’y chercher ; mais la violence à laquelle elle est montée, et l’autorité de ceux qui l’exercent, me font envier le sort de ceux qui peuvent avoir un trou ailleurs. J’ai découvert encore de nouvelles atrocités, depuis ma dernière lettre. Il est très certain que l’on a forcé M. de Malesherbes à laisser imprimer les Cacouacs ; il est très certain que la satire plus que violente, insérée contre nous dans les Affiches de province, vient des bureaux d’un ministre, aussi cacouac pour le moins que nous, mais qui a cru pouvoir faire sa cour au redoutable protecteur des Cacouacs, par un sacrifice in anima vili. Jugez à présent, mon cher et illustre maître, s’il est possible d’achever, dans cette terre de perdition, le monument que nous avions commencé d’élever à la gloire des lettres. Diderot se borne à dire qu’il ne peut pas continuer sans moi. J’ignore quel parti il prendra en dernière instance, mais je sais que s’il continue, il se prépare des chagrins de toute espèce ; Dieu veuille l’en préserver ! mais c’est son affaire. Il me paraît d’ailleurs impossible, d’un côté, que cet ouvrage se continue sur le même pied qu’auparavant ; de l’autre, qu’il puisse se continuer sur un autre pied, et il vaut mieux le laisser imparfait que d’en faire une espèce de satyre à tête d’homme et à pieds de bête. Je suis plus fâché que vous des déclamations et des trivialités qu’on a insérées dans l’Encyclopédie, mais croyez que je n’en ai pas été le maître ; comme je n’ai pro-