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L’HOMME

Le soir de ce jour-là, Henri comme d’habitude se retira dans ses appartements, où nul ne pénétrait que son camarade Agrippa et un autre jeune homme nouvellement à son service nommé Rosny. Tous deux, un bougeoir en main, l’attendaient.

— Charles est mort !

— Nous le savions, dirent les jeunes gens.

Le Gascon ota de ses épaules une sorte de reître à capuche, puis sa lourde casaque sans manches :

— Ventre Saint-Gris ! Encore un, et je les aurai tous enterrés.

Un secrétaire lui enleva sa cuirassine. Il sembla mince.

— Le roi de Pologne accourt, dit le Gascon, il sera sacré sous le nom d’Henri III, mais c’est un malade. Patience, le trône se déblaie…

Après la cuirassine, il fit glisser à ses bottes une jacques de mailles. Restait un gilet de buffle. Il le dégrafa, arracha un autre gilet. Sous la chemise de toile, creux et nerveux, ses flancs apparurent, le ventre encavé d’un loup qui n’aurait vécu que de neige. Libéré, son front s’éclaira, et les os de ses coudes, raidis en l’air, craquèrent.

— Que ce jeu est pesant !

— Il faut persévérer, sire, dit d’Aubigné. Les évènements vous servent. Les rois meurent, vous restez. Pendant ces deux ans de corruption feinte et de paresse apparente, vous avez haussé votre cœur au niveau de votre ambition. Attendez, souf-