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Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/147

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L’HOMME

cune passion humaine n’altérait leur front nuageux ; mais en contemplant leur travail, on voyait qu’elles savaient le monde, le ciel, les hommes, la Vérité.

— Les tisseuses… Pour la première fois depuis six ans, il se souvint de ces femmes et des paroles de sa mère :

« Je puis me départir demain vers mon Juge, mais voici mes trois remplaçantes. »

Le Gascon regarda les femmes d’un ceil d’effroi et d’amour, c’étaient elles que Jeanne lui montrait jadis :

« À peine aurez-vous disparu d’ici qu’aussitôt portées à l’ouvrage ces ouvrières entreprendront sur les fils ce que leurs yeux perçants vous verront accomplir de bon et de mauvais, et aussi ce qui n’est ni bon ni mauvais. »

Il recula, peureux, jusqu’à la muraille.

— Que disent de moi leurs tapisseries, songea-t-il, qu’ont écrit de mes fautes ces trois voyantes ?

« Avant de me quitter, mon fils, enfoncez-vous ce lieu et gardez-en la mémoire : sont là rangées laines éclatantes, d’azur ou ténébreuses ; que vos faits, sur la trame, soient toujours contés en fils clairs. »

— D’Aubigné ! râla le Gascon, je n’ose ; cours au fond de la salle… dis-moi…

Un sanglot d’admiration, tout soudain, l’arra-