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LE ROI

Etait-ce pour céler un pleur, ou inventer sa réponse ? Le rude Béarnais, à ces mots, baissa le front, et ce geste lui découvrant ses grossiers habits campagnards de buffle éraflé, ses mains de laboureur et son béret de laine, il comprit. Fallait-il guérir cet aveugle oiseau qui vivait sur sa branche, depuis quinze ans, d’un souvenir de soleil ? Sa bouche palpitait déjà ; non, répondit le cœur. L’amour dont il venait d’entendre la plainte lui parut si chaste qu’il trembla même d’y toucher. En cette âme innocente, il laissa l’image du « Roi » telle que le rêve l’y avait écrite ; et la regardant toujours, les yeux dans les yeux, il écouta lentement s’éteindre, comme une voix mauvaise, les bouillonnements passionnés qui avaient envahi son sang. Lutte divine. Lorsqu’il óta ses mains du treillage, des rameaux broyés en tombèrent, mais il était sauf.

— Sa Majesté, dit-il, est à la semblance du beau songe que votre cœur s’en est fait ; Elle porte écharpes de satin et plumails glorieux. (Ardente, la jeune fille écoutait) Pour n’être plus d’un enfant, sa beauté s’est faite martiale. Faut admirer le roi quand il chevauche. Sa barbe mentonnière est d’or, et ses yeux sont fins comme argent de crépelle. Il parle, en surplus, comme le roseau du dieu Pan.

— Oui, dit-elle, du matin jusqu’à la nuictée, c’est bien ainsi que je l’aperçois. Discourez, monsieur l’officier, vos paroles me sont civettes !