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LE ROI

gronda-t-il, mais bien sur les capitaines, allons les venger ! » Trente fantômes le suivirent, mais n’en pouvant plus quelques-uns tombèrent. On regarda le roi, il fut un spectacle. Trois cents hommes le virent s’écrouler contre l’ennemi, gueuser à son habitude, à la taille, par larges coups, et se festiner dans les chairs vivantes un repas royal. L’encombrement s’ouvrait devant lui La Cornette Blanche, réduite à seize nobles, s’élança. Cinq furent blessés. Il s’acharna, héroïque, découpla les onze, et s’escrimant de plus belle, entamant les troupes et les renversant, il gagna la place. Aucun n’eut la force d’un salut, d’un cri ; à peine si quelques bras remuèrent. Hâve, en sueur, la barbe roussie, traînant pied et aile comme un jeune faucon glorieux, écorcé aux mâchoires d’un lambeau de chair qui pendait, l’air superbe encore, le front noble et l’épée vissée à son poing, le roi occupa la place tout seul. Heureusement, la nuit vint, les derniers ennemis partirent. Escorté de Rosny, du comte d’Arrengosse, d’Espaon et de son porte-étendard, géant des Landes tout éclaboussé de cervelles, le roi repassant les rues désira compter ce qui lui restait de valides. En vain. Il semblait qu’un morne enchanteur eût touché ces fronts. À droite, à gauche, le long des cornières, dans les ruisseaux, les hommes gitaient en tas sur les immondices et leurs armes. Henri s’arrêta, n’osant voir plus loin. Et comme il tournait la tête avec épouvante, il vit dans les ténèbres confuses, resté seul de toute l’escorte, un