Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
190
LE ROI

je vous arrête en cette plaine dans la certitude de combattre, c’est que je sais bien que vous aimez l’honneur, que vous savez bien que je vous aime, qu’il n’est prodiges de vaillance auxquels vous ne soyez prêts, et qu’à vous tous, quatre mille qui valez cent mille, votre merveilleuse boutée hachera en pâte à corbeaux les jolis danseurs qui s’avancent. Glissez ce compliment-là dans vos pochettes, c’est à vous. Et puisque nous avons une heure à faire baguenaudes, suivez mon dire qui sera ce matin une histoire ancienne.


Allègres paroles, elles passèrent comme un vent frais sur des fumées.


— Y avait une fois ! s’écria le Gascon dressé, un général de la nation française, nommé communément Lonlenlas pour ce qu’il avait été reconnu par tous, au dire des vieillards comme des jeunets, l’homme le plus tranquille de sa province. Vos mères, dans le temps passé, vous prenant le soir en leurs bras pour vous endormir, ont dù vous chantonner ce merveilleux conte, entre autres la froideur que le général apportait en tout, l’immensité de ses réflexions, de ses gestes et de ses paroles ; et cette longitude, lenteur et lassitude dont le guerrier tirait son nom lui était devenue à la fin si familière, qu’élevant le bras sur le mail pour vous honorer d’un salut, on pouvait s’étendre et tirer son somme avant qu’il eût fini d’ôter son bonnet, et qu’on avait tout loisir d’aller mettre vin