Aller au contenu

Page:D’Esparbès - Le Roi (1910).djvu/223

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
203
LE CAPITAINE

qui trépidait sous leurs os les étonna. À ce moment, leurs mousquets formaient deux étages. Contre les troisièmes qui penchaient leur col, les quatrièmes rangs un peu à droite s’effacèrent pour laisser viser les derniers. Puis, aucun mot. Tout se figea. Quand la charge fut à vingt pas d’eux, ils mirent la crosse au sein. Lorsqu’elle fut à douze, ils semblèrent, tant le sol trembla, piétiner sur place. À six pas, les caporaux dirent : « Tirez. » À trois pas, cinq cents hommes tombèrent. Et la bourrasque d’airain passa sur eux.

— Charge ! hurlèrent les trois Bourbons, accostez !

Les escadres muettes, à ce cri, pour venger ceux de l’ « Etrier », s’animèrent sinistrement comme des métaux à la forge. Leurs chevaux bardés, tout pesants de bronze, reçurent l’effroyable vague et y disparurent pour réapparaître, droits, tels que des rochers hennissants. Cette charge arrêtée, commença le dur corps à corps : « Pièce à pièce ! » mugit le roi. Lui-même, tournoyant l’épée à deux mains, se mit à battre. Du fouillis des lances, Saint-Sauveur qui le surveillait lui lança un coup. « Yam ! rit le Gascon, tu peux dire ton In manus. » Et cabré en selle, d’une balle de pistolet lui perça boyaux jusque près de l’autre côté. « Gardez-vous ! lui criaient des voix, on tire ! » Tourné sur les arquébuses, il bondit auprès, empoigna soudain leurs canons comme une gerbe d’épis tintants, de quoi l’heure était bien sonnée, car ils firent feu dans ses bras.